L’IP Box : Un régime fiscal incitatif méconnu pour les sociétés innovantes

Le régime IP Box, en vigueur depuis 2019, permet aux entreprises innovantes de bénéficier d’un taux réduit d’imposition sur les revenus issus de certains actifs incorporels. Ce dispositif, codifié à l’article 238 du Code général des impôts (CGI), permet de bénéficier, sous certaines conditions, d’un taux réduit d’imposition de 10% sur le résultat net tiré de la propriété intellectuelle, comme les brevets, les logiciels ou les procédés industriels.

Un régime avantageux en cinq points clés

  1. Une couverture étendue aux actifs incorporels, y compris les logiciels
  2. Un régime optionnel, exercé par actif
  3. Un taux réduit à 10 %
  4. Le taux s’applique au résultat net
  5. Des obligations déclaratives et documentaires spécifiques

 

Suis-je concerné?

Ce régime fiscal est conçu pour les entreprises innovantes qui génèrent des revenus à partir de leur propriété intellectuelle.

Si vous répondez « oui » à certaines des questions suivantes, alors l’IP Box pourrait vous concerner :

  • Votre société est-elle bénéficiaire (fiscalement) ou le sera-t-elle prochainement ?
  • Votre offre repose-t-elle sur une solution innovante ou issue d’une activité de recherche et développement (R&D) ?
  • Disposez-vous d’actifs incorporels protégés ?
  • Bénéficiez-vous déjà du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ou du Crédit d’Impôt Innovation (CII) ?
  • Vos revenus proviennent-ils de la cession ou de la concession de vos actifs ?

Les actifs éligibles

Le régime IP Box couvre un large éventail d’actifs incorporels. Voici les principaux :

  • Brevets et assimilés : Les titres de propriété industrielle, comme les brevets ou les certificats d’utilité, sont éligibles de manière claire. Cela inclut également les certificats d’obtention végétale, notamment pour les entreprises dans le domaine agroalimentaire, de la santé ou pharmaceutique.
  • Les logiciels : Depuis 2019, les logiciels peuvent bénéficier du régime IP Box. Toutefois, cette éligibilité repose sur la notion d’originalité du logiciel, car celui-ci doit être protégé par le droit d’auteur. Concrètement, cela signifie que seuls les logiciels innovants qui ne se contentent pas de mettre en œuvre des logiques automatiques simples sont concernés. Par exemple, la traduction ou l’adaptation d’un logiciel existant dans un autre langage ou pour un autre matériel n’est pas éligible.
  • Les procédés de fabrication industrielle : Ces procédés, souvent protégés par des brevets ou des secrets de fabrication, peuvent également être éligibles au régime IP Box.

Note 1 : les actifs doivent ils nécessairement être le fruit d’opérations de R&D ? Ce point n’a pas été explicitement tranché à ce jour.

Note 2 : le régime est optionnel et l’option doit être exercée par actif, par produit ou par famille de produits.

 

Les opérations éligibles

Le régime IP Box s’applique à trois types d’opérations :

  • Cession d’actifs : Il s’agit de toute opération entraînant la sortie d’un actif de l’entreprise, que ce soit par une vente ou un apport.
  • Concession de droits : Le propriétaire d’un actif peut accorder à un tiers le droit de l’utiliser moyennant une redevance. L’actif doit être protégé par un titre de propriété industrielle ou un droit d’auteur, et cela, soit en France, soit dans un pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.
  • Sous-concession : Si vous avez concédé un droit d’utilisation d’un actif à un tiers, ce dernier peut à son tour sous-concéder une partie de ses droits à une autre entité, toujours en échange de redevances.

Calcul du résultat net éligible

Le calcul du résultat net soumis à l’IP Box repose sur trois étapes clés :

  1. Détourage des revenus éligibles : La première étape consiste à isoler les revenus spécifiques à chaque actif éligible. Cela peut être complexe, surtout si les revenus proviennent de plusieurs sources différentes. Par exemple, dans le cadre de contrats SaaS (Software as a Service), il est fréquent que les revenus proviennent à la fois de la licence d’utilisation d’un logiciel et de prestations annexes comme la maintenance ou le support technique. Des problématiques similaires sont soulevées par la vente de biens corporels qui embarquent de la technologie propriétaire. Il est essentiel de séparer précisément les revenus issus de l’actif incorporel éligible.
  2. Identification et déduction des dépenses de R&D en lien avec le ou les actifs : Le résultat net est calculé en soustrayant des revenus générés par l’actif les dépenses de R&D exposées au cours du même exercice. En pratique, il n’y a pas d’intérêt à exercer l’option avant la réalisation d’un résultat net positif, car un mécanisme de « recapture » s’applique au titre du premier exercice bénéficiaire si l’option a été exercée alors que les dépenses excédaient les revenus.
  3. Application du ratio Nexus : Ce ratio, mis en place par l’OCDE, permet d’ajuster le résultat net imposable en fonction des dépenses de R&D directement liées aux actifs éligibles. Ce ratio pénalise les entreprises qui externalisent leurs développements, notamment auprès de filiales étrangères.

Le ratio Nexus se calcule ainsi :

  • Au numérateur, les dépenses de R&D en lien direct avec la création et le développement de l’actif incorporel (ou du groupement d’actifs) réalisées directement par le contribuable ou par des entreprises sans lien de dépendance, majorées de 30% ;
  • Au dénominateur, l’intégralité des dépenses de R&D en lien direct avec la création, l’acquisition et le développement de l’actif incorporel (ou du groupement d’actifs) réalisées directement ou indirectement par le contribuable.

Note 1 : pour le calcul du ratio, il convient de retenir les dépenses encourues en principe depuis l’origine de l’actif concerné. Par tolérance, il est possible de ne remonter que jusqu’à 2019.

Note 2 : la notion de dépense de R&D n’est pas définie par renvoi direct aux dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche (dans la loi). En d’autres termes, les dépenses éligibles ne devraient pas être limitées à celles entrant dans l’assiette du CIR.

 

Points d’attention

Le dispositif IP Box peut s’avérer délicat à mettre en œuvre, notamment dans les cas suivants :

  • Intégration fiscale : En cas d’entrée dans l’intégration fiscale d’une société qui bénéficie déjà du régime de l’IP box, l’article 223 H II du CGI prévoit que la valeur vénale des actifs éligibles détenus par une société à la date de son entrée dans un groupe fiscal constitue une dépense d’acquisition retenue pour le calcul du résultat net d’ensemble et prise en compte au dénominateur du ratio nexus. Ainsi, la valeur réelle des actifs détenus par la société entrante doit être reprise au seul dénominateur du ratio qui peut être ainsi durablement dégradé. Ce cas de figure est très fréquent lorsque la société bénéficiant de l’IP box fait l’objet d’une opération de « LBO » et il doit impérativement être anticipé.
  • Acquisition d’une société bénéficiant de l’IP Box : Il est crucial de vérifier l’éligibilité des actifs et des revenus, surtout pour les logiciels, lors des phases de due diligence. Les premiers retours d’expérience montrent que l’administration fiscale a tendance à remettre en cause l’originalité des logiciels lors de contrôles.

Une IP Box surévaluée implique des risques fiscaux pour le passé et des cash flows dégradés pour le futur.

Le schéma ci-dessous présente les principaux marqueurs d’une IP Box fragile qui devra être challengée et revue :

Comment opter ?

L’option pour le régime IP Box doit être exercée dans la liasse fiscale de l’exercice concerné.

Il est essentiel d’anticiper cette démarche en réalisant des études préalables, impliquant les fonctions finances, R&D, ressources humaines et juridiques de l’entreprise.

Ces études permettront de valider l’éligibilité des actifs et de préparer la documentation nécessaire, qui devra pouvoir être fournie à l’administration fiscale en cas de contrôle.

Dans certains cas, il pourra être judicieux d’exercer une “option blanche”, c’est-à-dire de déclarer un résultat net temporairement nul, qui pourra être amendé ultérieurement afin de sécuriser l’option.

Par ailleurs, il est à notre sens possible de revenir sur les années passées en déposant des liasses rectificatives.

Conclusion

Le régime IP Box est un dispositif fiscal particulièrement incitatif pour les entreprises innovantes.

Cependant, sa mise en œuvre doit être soigneusement préparée afin de maximiser les avantages tout en limitant les risques de redressement fiscal. Une étude approfondie et une documentation rigoureuse sont des préalables indispensables à toute option.

Si vous souhaitez bénéficier du régime IP Box, nous pouvons vous accompagner dans cette démarche.

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