Dans le but de promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments publics, le paiement différé est autorisé, à titre expérimental, dans les marchés globaux de performance.

Avec un parc immobilier public de 380 millions de m², soit 37 % du parc tertiaire national, la rénovation énergétique des bâtiments publics devient un impératif majeur pour répondre aux objectifs nationaux de réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre. Les investissements requis sont néanmoins considérables et nécessitent des solutions de financement innovantes. La loi du 30 mars 2023 autorise, à titre expérimental et pour une période de cinq ans, les collectivités publiques à déroger à l’interdiction du paiement différé (article L2191-5 du code de la commande publique) lorsqu’elles concluent des contrats de performance énergétique sous la forme d’un marché global de performance (I). Le décret du 3 octobre 2023 précise les conditions de recours à ce type de marché (II).

I. Le marché global de performance à paiement différé : un nouveau levier pour les collectivités dans le financement de la rénovation énergétique

Le mécanisme financier du tiers-financement permet de mobiliser des ressources externes pour financer les travaux de rénovation visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Un tiers-financeur, tel qu’une banque, une institution financière spécialisée ou une société de tiers-financement, prend en charge les coûts des travaux de rénovation. En retour, le bénéficiaire des travaux rembourse le tiers financeur au fil du temps, souvent sur une période prolongée, grâce aux économies d’énergie réalisées.

En faisant ainsi reposer le financement des travaux de rénovation sur un tiers, ce mécanisme rend les projets de rénovation énergétique plus accessibles et attrayants pour les acheteurs publics en allégeant la pression sur leurs ressources budgétaires.

Cependant, le tiers-financement est incompatible avec les règles de la commande publique, qui proscrivent tout paiement différé dans les marchés passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics et groupements[1]. Jusqu’à présent, le préfinancement était exclusivement réservé aux contrats de partenariat.

Pour surmonter cet obstacle et répondre aux besoins croissants en matière de rénovation énergétique, la loi du 30 mars 2023 déroge aux règles de la commande publique et permet de recourir au tiers-financement en autorisant le paiement différé dans les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché public global de performance. Ce texte autorise les acheteurs concernés à solliciter des opérateurs économiques le préfinancement des travaux, et à ne payer les prestations qu’au cours de la phase d’exploitation ou de maintenance.

La dérogation est accordée à titre expérimental pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi. Le contrat global de performance énergétique doit concerner exclusivement la rénovation énergétique d’un ou plusieurs bâtiments, ce qui exclut, par exemple, la rénovation de l’éclairage public[2].

L’article 1er de la loi du 30 mars 2023 définit les entités habilitées à conclure ce nouveau contrat, à savoir l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements et regroupements. Ainsi, contrairement aux marchés de partenariat[3], ces contrats peuvent être conclus par les organismes, autres que l’État, relevant de la catégorie des administrations publiques centrales (ODAC).

Par ailleurs, les marchés globaux de performance peuvent être conclus pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions. Dans ce cas, une convention est signée entre l’acheteur et la personne morale pour les besoins de laquelle le marché global de performance est conclu[4].

Lorsque la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution. Le cas échéant, cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme[5].

[1] Art. L. 2191-5 du code de la commande publique.
[2] Rép. min. n° 7839 : JOAN 17 oct. 2023, p. 9252 (Q. 9 mai 2023, M. Stéphane Viry).
[3] Art. L. 2211-1 du code de la commande publique.
[4] Art. 2-II de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, préc.
[5] Art. 2-III de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, préc.

Appel à projets : incitation à l’utilisation des MGP à paiement différé

Le marché global de performance énergétique à paiement différé est un nouveau levier qui vient enrichir la panoplie des outils opérationnels dont disposent les collectivités avec, en perspective, l’idée de simplifier l’accès aux financements privés pour la rénovation énergétique des bâtiments publics.

L’autorisation de recourir au paiement différé constitue un réel progrès qui devrait à terme accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics. Pour autant, l’État doit accorder une attention particulière à l’accompagnement des collectivités territoriales et surtout aux plus petites d’entre elles. Cela impliquera notamment de rappeler les bonnes pratiques afin d’éviter que ces collectivités ne recourent à des schémas de financement inadaptés.

Le 8 février 2024, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), en collaboration avec l’Agence de la transition écologique (ADEME), a lancé un appel à projets dont l’objectif principal est d’apporter un soutien financier aux collectivités territoriales dans le déploiement de ce nouvel outil contractuel, en mettant particulièrement l’accent sur le financement de la maîtrise d’ouvrage. Les modalités de candidatures sont précisées dans un cahier des charges consultable en ligne.

L’efficacité du marché global de performance à paiement différé ne pourra être pleinement évaluée qu’en tenant compte du retour d’expérience des acheteurs publics, en particulier concernant l’impact des différentes formalités procédurales prévues par les textes qui pourraient constituer un obstacle à sa mise en œuvre.

II. Le recours au marché global de performance à paiement différé : une possibilité encadrée

La passation d’un marché global de performance énergétique est subordonnée à la réalisation par l’acheteur d’une étude préalable (1) et d’une étude de soutenabilité budgétaire (2)[1].

Dans le cas où la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acteurs, l’étude préalable et l’étude de soutenabilité budgétaire sont réalisées par l’acheteur désigné par la convention, en tenant compte, dans le cas de l’étude de soutenabilité budgétaire, des capacités financières de l’ensemble des acheteurs[2].

Par ailleurs, pour les marchés globaux de performance conclus par l’État et ses établissements publics, le lancement de la procédure de passation est soumis à autorisation (3).

  1. Étude préalable

L’étude préalable doit démontrer que le recours à un marché global de performance est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique, le critère du paiement différé ne pouvant à lui seul constituer un avantage[3].

Le bilan plus favorable doit être établi en comparant le marché global de performance énergétique à paiement différé à d’autres montages contractuels sans paiement différé, en tenant compte, en particulier :

  • des objectifs de performance retenus par l’acheteur, notamment en matière de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre, des délais fixés pour les atteindre ainsi que des mécanismes souhaités d’incitations, de garanties et de sanctions ;
  • du périmètre des missions susceptibles d’être confiées au titulaire ;
  • des principaux risques du projet et de leur répartition entre l’acheteur et le titulaire ;
  • de la structure de financement ainsi que de son incidence sur le coût du projet ;
  • le cas échéant, les effets de la mutualisation du projet avec d’autres acheteurs.

Cette étude préalable est évaluée par la Mission d’appui au financement des infrastructures (Fin Infra) qui dispose d’un mois pour rendre son avis et, à défaut, ce dernier est réputé favorable[4].

  1. Étude de soutenabilité budgétaire

L’étude de soutenabilité budgétaire vise principalement à éviter les situations de surendettement. Elle doit apprécier notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits[5].

Plus précisément, l’étude de soutenabilité budgétaire prend en compte tous les aspects financiers du projet de marché global de performance énergétique à paiement différé et inclut notamment[6] :

  • le coût prévisionnel du contrat, hors prise en compte des risques, indiqué en moyenne annuelle et précisant la part des dépenses d’investissement, de financement et de fonctionnement ;
  • la part que ce coût représente par rapport à la capacité d’autofinancement annuelle de l’acheteur, et son effet sur sa situation financière. Pour les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, l’étude de soutenabilité budgétaire comprend l’indication de la part que les dépenses de fonctionnement et les dépenses de financement représentent par rapport aux recettes réelles de fonctionnement ainsi que la part que les dépenses d’investissement représentent par rapport à l’épargne brute de l’acheteur et son effet sur sa situation financière ;
  • l’impact du contrat sur l’évolution des dépenses obligatoires de l’acheteur, ses conséquences sur son endettement et ses engagements hors bilan ;
  • une analyse des coûts prévisionnels pouvant résulter d’une rupture anticipée du contrat ;
  • une appréciation des principaux risques du projet.

Lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales, l’étude de soutenabilité budgétaire doit préciser les engagements financiers supportés par chacune d’elles[7]. Le but est d’identifier clairement les incidences budgétaires pour chacune des parties prenantes.

L’étude de soutenabilité budgétaire est soumise à l’avis motivé du ministre chargé du budget. Cet avis doit intervenir dans un délai d’un mois suivant sa saisine. À défaut, il est réputé favorable[8].

  1. Autorisation préalable

Les marchés globaux de performance conclus par l’État et ses établissements publics nécessitent une autorisation préalable tant pour le lancement de la procédure d’attribution (a) que pour la signature des contrats (b).

Le décret du 3 octobre 2023 identifie les autorités administratives auprès desquelles les services de l’État et de ses établissements publics doivent obtenir une telle autorisation.

a. Autorisation préalable au lancement de la procédure d’attribution

Pour les marchés globaux de performance conclus par l’État et ses établissements publics, le lancement de la procédure de passation est soumis à l’autorisation des ministres chargés du budget et de l’économie. Leur accord est réputé acquis à défaut de réponse expresse dans un délai d’un mois à compter de la date de réception, par chacun de ces deux ministres, de l’étude préalable et de l’étude de soutenabilité budgétaire ainsi que des avis rendus sur ces deux études, ou, lorsque ces avis sont tacites, à compter de la date à laquelle ils sont réputés acquis[9].

Pour les projets des établissements publics de l’État, autorisés par les ministres chargés du budget et de l’économie, l’étude préalable et l’étude de soutenabilité, ainsi que les avis rendus sur ces deux documents, sont présentés à l’organe délibérant. Celui-ci se prononce alors sur le principe du recours à un marché global de performance énergétique à paiement différé[10].

b. Autorisation préalable à la signature du contrat

Pour les projets de l’État, un marché global de performance énergétique à paiement différé ne peut être signé qu’après accord des ministres chargés du budget et de l’économie[11].

Pour ceux passés par un établissement public de l’État, un marché global de performance énergétique à paiement différé ne peut être signé qu’après accord des ministres chargés du budget, de l’économie et du ministre de tutelle.

L’accord des ministres est réputé acquis à défaut de réponse dans un délai d’un mois à compter de la réception du projet de contrat[12].

[1] Art. 2-IV et 2-V de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, préc.
[2] Art. 5 du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[3] Art. 2 IV de la loi 2023-222 du 30 mars 2023, préc.
[4] Rép. min. n° 7839 : JOAN 17 oct. 2023, p. 9252 (Q. 9 mai 2023, M. Stéphane Viry).
[5] Art. 2-V de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, préc.
[6] Art. 4 du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[7] Art. 1er de la loi n° 2023-222 du 30 mars 2023, préc.
[8] Art. 6 du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[9] Art. 7-I du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[10] Art. 7-II du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[11] Art. 8-I du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.
[12] Art. 8-II du décret n° 2023-913 du 3 octobre 2023, préc.

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