Reinhart Marville Torre vous propose un résumé mensuel des décisions les plus importantes, ainsi que des analyses et des commentaires de notre équipe Immobilier et Urbanisme.
Baux commerciaux
Un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser en un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.
La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les conséquences d’un congé avec offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes de celles du bail expiré.
Dans cette espèce, un bailleur avait adressé un congé avec offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes, visant non seulement un nouveau prix mais aussi une modification de la contenance des lieux loués et de nouvelles obligations d’entretien. Le preneur avait libéré les locaux et assigné le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction.
La Cour de cassation rappelle que le renouvellement d’un bail commercial s’opère aux conditions du bail expiré, sauf convention contraire. Dès lors, le congé avec offre de renouvellement, qui comportait des conditions différentes de celles du bail expiré, ne constitue pas une véritable offre de renouvellement mais doit s’analyser en un refus de renouvellement ouvrant le droit au versement d’une indemnité d’éviction.
Civ. 3e, 11-01-2024, n° 22-20.872
L’activité de restauration n’est pas comprise dans la destination d’hôtel
La Cour opère une analyse stricte de la clause de destination d’un bail commercial, en distinguant l’activité d’hôtel de tourisme de celle de restauration.
Des locaux étaient exclusivement destinés à l’usage “d’hôtel de tourisme et de toutes activités accessoires”. Le locataire y exploitait également une activité de restauration, accessible à une clientèle extérieure à l’hôtel, qui y accédait par une porte distincte de celle de l’entrée de l’hôtel. L’activité de restauration faisait par ailleurs l’objet d’une publicité en ligne.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les locataires à l’encontre de l’arrêt de Cour d’appel, qui avait estimé que cette activité de restauration n’était pas comprise dans la destination contractuelle du bail et constituait une activité distincte, de nature à attirer une clientèle propre. Conjugué à d’autres infractions non citées dans le pourvoi, ce manquement était suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
Cass. 3e civ. 30-11-2023 n° 21-25.584
Obligation de délivrance du bailleur
Le Bailleur est tenu, dès la prise d’effet du bail, de délivrer au locataire un local conforme à sa destination contractuelle.
Dans cette espèce, le bailleur d’un local commercial avait donné son accord à un changement de destination pour un usage de “restaurant-salon de thé”. La Cour de cassation, conformément à une jurisprudence constante, vient rappeler que le bailleur était tenu de délivrer à son locataire un local conforme à sa destination contractuelle de restaurant et, par voie de conséquence, que celui-ci devait être équipé d’une gaine d’extraction.
Pour rappel, la charge de tels travaux peut néanmoins être transférée au locataire par une stipulation expresse du bail, sous réserve que lesdits travaux soient réalisables.
Cass., Civ. 3e 12-10-2023, n°22-16.175
Régime de la convention d’occupation précaire
Convention d’occupation précaire: absence d’obligation de délivrance à la charge du propriétaire des locaux.
Rappelant qu’une convention d’occupation précaire n’est pas un bail, la Cour de cassation vient confirmer que les dispositions du Code civil relatives au contrat de louage ne s’appliquent pas. Ainsi, l’occupant à titre précaire ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil, sauf à ce que l’obligation correspondante soit expressément stipulée dans le corps de la convention d’occupation précaire.
Copropriétés
L’appréciation par le juge d’une clause de répartition des charges de copropriété irrégulière
Une clause de répartition des charges au sein du Règlement de copropriété, jugée non conforme à la loi de 1965, doit être réputée non écrite. La sanction d’une telle clause n’est pas la nullité.
Lorsque le juge relève qu’une clause litigieuse du règlement de copropriété portant sur la répartition des charges n’est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires, celui-ci se trouve dans l’obligation de réputer la clause non écrite et de procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d’ordre public impose.
Cette approche embrasse l’application de l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019) qui prévoit que lorsque le juge répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède lui-même à la nouvelle répartition sans pouvoir faire fixer cette dernière par l’assemblée générale.
Urbanisme
Le maire doit justifier d’un projet réel quand il préempte un bail commercial
Pour exercer son droit de préemption dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, la commune doit justifier de la réalité d’un projet et en mentionner la nature dans la décision de préemption.
Le Conseil d’Etat constate que la décision de préempter se limite à la référence à la délibération du conseil municipal et à indiquer que l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de l’objectif de diversité commerciale et artisanale, sans préciser la nature du projet poursuivi par la commune.
Notamment, la mairie ne précise pas les activités qui seraient développées dans le périmètre concerné de sorte que la nature du projet de la commune ne ressort pas de la délibération limitant le périmètre ni d’aucune autre pièce. Ainsi, l’absence de justification de la réalité d’un projet répondant à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme allégué par les requérants est confirmé par le Conseil d’Etat.
CE 15-12-2023 n° 470167, Sté NM Market
La stricte portée de la demande de permis de construire
Des mentions erronées de l’arrêté de permis de construire ne permettent pas une construction différente de celle décrite dans la demande
Le permis de construire n’autorise que la construction conforme aux plans et aux caractéristiques indiqués dans la demande. Les erreurs commises dans l’arrêté de permis de construire n’affectent ni la légalité de l’autorisation ni sa portée et n’autorise que la construction conforme aux plans et aux caractéristiques indiqués dans la demande. Le permis reste donc limité au contenu de la demande.
Dans le même sens : une affaire dans laquelle l’erreur portait sur la surface de construction mentionnée dans l’autorisation qui ne conférait pas un droit acquis à construire la surface indiquée à tort de sorte que l’autorisation de construire était limitée aux informations du plan déposé (CE, sect., 25 juin 2004, n° 228437, SCI Maison médicale Edison).
CE, 20-12-2023, n° 461552 : Lebon T.
L’urgence est présumée en matière de référé suspension contre une mise en demeure de démolir une construction
Le Conseil d’Etat énonce que la condition d’urgence du référé suspension est en principe satisfaite dans le cadre d’une mise en demeure prescrivant une mise en conformité de travaux irréguliers impliquant la démolition de constructions.
Si un procès verbal a été dressé en raison de travaux et construction exécutés en contrariété avec les règles d’urbanisme, l’autorité compétente peut mettre en demeure le propriétaire d’y remédier en procédant aux opérations nécessaires à sa mise en conformité.
Le Conseil d’Etat précise que lorsque la mise en demeure prescrit une mise en conformité impliquant la démolition de constructions, le propriétaire qui entend demander sa suspension par voie de référé voit en principe remplie la condition d’urgence, sauf à ce que l’autorité administrative justifie de circonstances particulières faisant apparaître, soit que l’exécution de la mesure de démolition n’affecterait pas gravement la situation de l’intéressé, soit qu’un intérêt public s’attache à l’exécution rapide de cette mesure.
Preuve de l’affectation d’un bien à usage d’habitation
Pour démontrer qu’un local est à usage d’habitation au 1er janvier 1970, la production de la fiche modèle R ne suffit pas.
La Cour de cassation rappelle qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 et que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve conformément à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. Ainsi la Cour d’appel de Paris a relevé, à bon droit, « que la fiche modèle R avait pour seul objet de décrire la situation de l’immeuble à la date de sa souscription, le 9 octobre 1970, ce seul élément ne permettant pas de déduire l’usage des lieux au 1er janvier 1970 ».
Ainsi, la fiche modèle R renseignée par les redevables de la contribution foncière ayant pour objet de décrire la situation de l’immeuble à la date de sa souscription, les mentions apposées sur un formulaire souscrit après le 1er janvier 1970 sont inopérantes pour en établir l’usage d’habitation à cette date.
Brèves de l’immo #4
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