Reinhart Marville Torre • Newsletter

I – FISCALITÉ DES ENTREPRISES

CE, 3 février 2021, n° 429702, Sté BNP Paribas Personal Finance
Déductibilité des dépréciations pour encours douteux constituées et déterminées par une méthode statistique.

Le recours à une méthode statistique pour l’identification d’encours douteux ainsi que l’évaluation des provisions afférentes est admis dans l’hypothèse d’opérations nombreuses et de faibles valeurs unitaires.

Le Conseil d’État a ainsi considéré qu’étaient justifiées les provisions passées par une société de crédit, qui avait classé en encours douteux des créances pour lesquelles elle avait constaté un ou plusieurs retards de paiement non régularisés à la clôture de l’exercice, et avait considéré que le constat de tels retards de paiement, nonobstant les diligences de l’établissement de crédit, caractérisaient, ainsi que l’attestent les données historiques et statistiques rassemblées par ce dernier, le caractère probable du non-recouvrement des créances en cause.
Sur le montant de la provision, le Conseil d’État note que les provisions en litige ont été évaluées par application d’un taux de dépréciation calculé à partir d’un outil statistique reposant sur les données moyennes de l’entreprise sur une période de 69 mois. Cette méthode statistique permettait ainsi d’évaluer avec une approximation suffisante la perte que la société était susceptible de subir pour chacune des catégories de créances en litige.

Rép. Min. n° 28652 : JOAN 9 février 2021
L’indemnité versée à la société cédée en application d’une garantie de passif n’est pas imposable si elle compense une charge non déductible.

Le mécanisme de garantie de passif prend la forme soit d’un ajustement du prix de cession, soit d’une clause indemnitaire. Dans ce dernier cas, le cédant peut déduire l’indemnité versée de son résultat taxable. Chez le cessionnaire, l’indemnisation ne constitue pas un produit imposable dès lors que la somme versée à la société cédée a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible du résultat imposable.
La société cédée doit donc être remise dans la situation qui aurait été la sienne si la charge indemnisée n’avait pas été constatée : soit la charge sera déductible et l’indemnisation imposable, soit la charge ne sera pas déductible et l’indemnisation restera non imposable.

TA Montreuil, 11 février 2021, n° 1808706,
Sté Compagnie Plastic Omnium

Imputation des pertes définitives de la filiale européenne d’une société intégrée.
Les pertes d’une filiale européenne peuvent être déduites en France par sa société mère française lorsque le caractère définitif des pertes de la filiale a été établi.
Ce caractère est notamment établi lorsque la cession de la filiale est rendue impossible (i) du fait de la disparition des débouchés industriels et de la spécialisation de l’usine, (ii) de l’impossibilité de procéder au changement de l’activité de la filiale au regard de la spécificité de ses équipements et (iii) de l’interdiction de céder les pertes de la filiale à un tiers.

CAA Versailles, 11 février 2021, n° 18VE02536, min c/ Sté Direct Energie
Dans le cadre de l’intégration fiscale, cumul de l’imputation des déficits propres antérieurs, des déficits sur une base élargie et du déficit d’ensemble.

Les sociétés d’un groupe fiscalement intégré, constitué à l’occasion d’une opération de restructuration de la société mère intégrante d’un précédent groupe, peuvent cumuler le bénéfice des mécanismes d’imputation des déficits propres antérieurs à la constitution du nouveau groupe, du déficit sur une base élargie et du déficit d’ensemble.
Le plafond d’un million d’euros de déficit imputable augmenté de la moitié de la part du bénéfice supérieur à un million d’euros, s’applique pour chaque mécanisme d’imputation de déficits et ne constitue pas un plafond unique qui viendrait limiter la somme des déficits imputables.

CE, 24 fév. 2021, n° 434129, Sté France Citévision
Dialectique de la preuve pour l’application de l’exonération de retenue à la source des intérêts payés à l’étranger.

Une société avait inscrit des intérêts en compte courant au profit de sa société mère établie aux Pays-Bas, ainsi qu’au profit d’une société « grand-mère » établie aux Iles Vierges Britanniques.
Or, les intérêts versés à une société mère européenne sont en principe exonérés de retenue à la source, sauf fraude. À ce titre, la circonstance que la société mère, à laquelle les intérêts en litige ont été payés, était établie aux Pays-Bas mais était contrôlée par une société domiciliée aux Îles Caïmans et par deux sociétés domiciliées aux îles Vierges britanniques, alors que l’administration fiscale n’apporte aucun élément relatif à l’objet de l’interposition de la société mère néerlandaise dans la chaîne de participations, ne constitue pas un commencement de preuve de fraude.

CE, 10 mars 2021, n° 423983, Sté Airbus SEP et autres
Rattachement des charges afférentes à des prestations continues à échéances successives.

La société Airbus avait souscrit à une prestation de garantie de l’équilibre économique d’un contrat, prestation qui visait à garantir l’équilibre financier de la location d’un avion de ligne sur toute la durée prévue par les contrats de location, soit 22 ans. La prestation était facturée chaque mois. A été jugé par le Conseil d’État que cette prestation devait être regardée comme une prestation continue fournie au cours d’exercices ultérieurs à celui au cours duquel la convention a été conclue. Les charges correspondantes sont des charges constatées d’avance imputables sur toute la durée d’exécution du contrat et ne pouvaient être déduites intégralement au cours de l’exercice de conclusion de la convention.
En outre, une prestation visant à garantir une valeur de revente d’un avion fixée à l’avance (généralement dix ans à l’avance) ne peut être regardée comme fournie, même partiellement, à la date de signature du contrat. Les prestations ne pouvaient être regardées comme fournies avant la conclusion du contrat de vente.

CE, 2 avril 2021, n° 429319, Alliance Négoce
Pour le transfert des déficits en cas de fusion ou scission, les critères du changement significatif d’activité doivent s’apprécier au regard de l’objectif du contribuable.

Afin de sauvegarder son activité et de maintenir le niveau de son chiffre d’affaires, une société avait conduit une réorganisation importante ayant abouti à une externalisation significative de son personnel et de ses moyens d’exploitation. La société avait, en revanche, maintenu son activité et son chiffre d’affaires, ce qui lui avait permis d’absorber une partie de ses pertes fiscales reportables. La société avait été ensuite absorbée par sa société mère et il avait été déposé à cette occasion une demande de transfert des déficits de la filiale.
Le Conseil d’État juge (i) que le dispositif, limitant le transfert des pertes en cas de changement d’activité, a été conçu comme une mesure anti-abus visant à s’assurer que le déficit n’a pas été volontairement créé par une modification de l’activité de la société et (ii) que le critère du changement significatif apparaît comme la déclinaison de la condition générale tenant à la justification économique et aux motivations principales autres que fiscales. Ainsi, ce sont bien les objectifs de la réorganisation et ses effets sur le volume d’activité qu’il faut prendre en considération de telle sorte que la diminution des moyens humains et matériels ne suffit pas à caractériser l’existence d’un changement significatif, justifiant l’interdiction du transfert des pertes.

CE, 20 avril 2021, n° 430561, Sté Baxter SAS
Absence de caractère indemnitaire des sommes versées par un commettant pour compenser l’impôt dû par son commissionnaire.

Des sommes versées en application d’un contrat de commissionnaire, en remboursement de la contribution que le commissionnaire acquitte annuellement au titre de son obligation au paiement d’une contribution spécifique aux entreprises du secteur pharmaceutique, ne présentent pas le caractère d’une indemnisation, dès lors que la société commettante n’est pas tenue à l’obligation de réparer un préjudice, lequel ne saurait, en tout état de cause, résulter du paiement de l’impôt dont le commissionnaire est redevable. Par conséquent, les sommes versées constituent des recettes imposables.

CE, 20 avril 2021, n° 429467, Sté Catana Group
Exclusion des apports par augmentation du nominal des titres pour la limitation de déductibilité des moins-values à court terme sur cession de titres acquis en contrepartie d’un apport.

La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d’un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d’inscription en comptabilité n’est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d’inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission (article 39 quaterdecies 2° bis du CGI).
Il résulte de ces dispositions que la limitation de la déductibilité des moins-values à court terme s’applique seulement en cas de cession de titres de participations ayant fait l’objet d’une émission nouvelle en contrepartie d’un apport. A l’inverse, l’apport effectué par augmentation de la valeur nominale des titres de la filiale est hors champ des dispositions précitées.

BOI-RES-IS-000088
Possibilité d’intégrer fiscalement une société dès son acquisition.

L’administration permet à une société qui acquiert dès le premier jour de l’exercice 95% au moins du capital d’une autre société, de constituer, dès l’exercice d’acquisition, un groupe fiscal avec cette dernière même si la filiale ne faisait auparavant pas partie d’un groupe intégré. Le jour de l’acquisition des titres de la filiale doit correspondre à la date d’ouverture des exercices de ces deux sociétés.

II – FISCALITÉ INTERNATIONALE

CE, 5 février 2021, n° 430594, min c/ Sté Performing Right Society
Application de la clause du bénéficiaire effectif aux redevances versées à un organisme de gestion collective étranger.

Une société de droit britannique détenant des droits d’auteurs pour le compte de personnes physiques et qui, chaque année, reverse l’essentiel des redevances touchées à ses membres, ne peut être considérée comme le bénéficiaire effectif des droits versés au sens de la convention franco-britannique du 19 juin 2008.
Dès lors, seuls les membres de l’entité britannique peuvent se prévaloir des stipulations de la convention relative à l’exonération de retenue à la source française s’appliquant sur les redevances versées.

Arrêté ECOE2036563A du 26 février 2021
Actualisation de la liste des ETNC.

La liste des États et territoires non coopératifs, au sens de l’article 238-0 A du CGI, qui depuis l’an dernier inclut des États inscrits sur la liste « noire » européenne, a été mise à jour. Les Bahamas et Oman en sont retirés, tandis que la Dominique et Palaos y sont ajoutés.
>> Cliquez-ici pour voir la liste ETNC

CE, 2 avril 2021, n° 427880, min c/ Sté World Investment Corporation
Pour l’application de la plus-value des non-résidents, assimilation d’une corporation immatriculée au Delaware à une SAS française

Reprenant sa grille d’analyse issue de sa décision Sté Artémis SA (CE, plén., 24 nov. 2014, n° 363556), le Conseil d’État juge qu’une « corporation » immatriculée au Delaware, dont les titres sont librement négociables, sous réserve du droit prioritaire de souscription dont bénéficient les associés en cas d’émission de nouvelles parts, et dont la responsabilité financière des associés est limitée aux apports, sauf s’ils sont rendus responsables du fait de leurs agissements personnels, est assimilable à une SAS de droit français, passible de l’impôt sur les sociétés à raison de sa forme sociale, en application de l’article 206, 1 du CGI.

III – FISCALITÉ IMMOBILIÈRE

CAA Marseille, 18 fév. 2021, n° 19MA03657
Cession d’usufruit temporaire portant sur un bien immobilier.

Il résulte de l’article 13, 5° du CGI que le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un usufruit est imposable au nom du cédant dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré et que leur champ d’application recouvre toutes les premières cessions à titre onéreux d’un même usufruit pour une durée explicitement déterminée entre les parties à l’acte de cession. Ainsi, le produit résultant de la cession de l’usufruit temporaire est imposé dans la catégorie des revenus fonciers lorsque l’usufruit temporaire cédé est relatif à un bien immobilier ou à des parts de sociétés à prépondérance immobilières non soumises à l’IS.
Ce dispositif s’applique également en cas de cession simultanée de l’usufruit temporaire et de la nue-propriété du bien démembré.

CAA Douai, 15 avril 2021, n° 19DA00580
Confirmation de la notion de marchand de biens.

Les bénéfices réalisés à l’occasion de la cession d’immeubles par des sociétés civiles sont imposables à l’impôt sur les sociétés lorsque ces opérations d’achat de biens immobiliers suivies de leur revente, sont habituelles et réalisées avec une intention spéculative laquelle doit être, en principe, appréciées à la date d’acquisition des biens.
Si la condition d’habitude n’est pas, en principe, remplie dans le cas d’une société civile qui a eu pour seule activité la réalisation d’une seule opération spéculative consistant à acheter et revendre en l’état un immeuble déterminé, il en va différemment lorsque douze lots ont été construits afin d‘être proposés à la vente et que dix d’entre eux ont été vendus sur une période de quelques mois seulement.

IV – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

CE, 24 février 2021, n° 429647
Exigibilité de la TVA sur un acompte versé en contrepartie d’une prestation de services.

La TVA est exigible sur des acomptes, c’est-à-dire sans que la prestation ne soit encore effectuée, lorsque tous les éléments pertinents de la future prestation sont déjà connus ce qui suppose qu’au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine. Des acomptes versés sur des travaux à réaliser, avant l’obtention d’un permis de construire d’un immeuble, ne sont pas passibles de la TVA dès lors que la réalisation des travaux envisagés restait incertaine à la date de ce versement.

CJUE, 11 mars 2021, aff. C-812/19, Danske Bank A/S
Appréciation de la relation siège/succursale pour le régime de groupe.

Saisi d’une question préjudicielle, la CJUE juge que l’établissement principal d’une société, situé dans un État membre et faisant partie d’un groupement TVA, et sa succursale, établie dans un autre État membre, doivent être considérés comme des assujettis distincts lorsque cet établissement principal fournit à ladite succursale des services dont il lui impute les coûts.
L’arrêt Danske Bank confirme le principe appliqué dans l’arrêt Skandia America (CJUE, 11 sept. 2014, C-7/13) selon lequel l’adhésion à un groupe TVA local transforme la relation « interne » siège/succursale en une opération imposable entre deux assujettis distincts.
Ceci implique notamment qu’une succursale non autonome de son siège étranger, simple preneuse d’une prestation du groupe TVA dont lequel fait partie son siège, soit qualifiée d’assujetti TVA.

V – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Rép. Min. n° 19892 : JO Sénat 11 mars 2021, Masson
Précisions sur le caractère imposable des sommes inscrites au crédit du compte courant d’associés d’une société.

Sont notamment considérées comme revenus distribués les sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices, à savoir les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts non prélevées sur les bénéfices, sous réserve que l’Administration en rapporte la preuve (article 109, 1-2° du CGI).
Si, par principe, les sommes inscrites au crédit du compte courant d’associés sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l’associé peut apporter la preuve qu’elles sont indisponibles.
Ces sommes sont considérées comme indisponibles (i) lorsqu’elles ont une contrepartie pour la société, comme une avance faite par l’associé au profit de la société ou la prise en charge par l’associé d’une dette de la société ou (ii) lorsque l’associé n’a pas la disposition de ces sommes en droit ou en fait.
À cet égard, l’indisponibilité des fonds peut résulter de la situation de trésorerie de la société rendant tout prélèvement financièrement impossible ou de la conclusion d’une convention, d’un contrat ou d’une décision de blocage des sommes qui n’est pas liée à la volonté du titulaire du compte tel que le blocage du compte d’un associé minoritaire décidé par l’assemblée générale et dont le déblocage nécessiterait l’accord unanime des associés.

Cass. Com., 12 mai 2021, n° 20-21.109/b>
Renvoi d’une QPC relative aux modalités de calcul des droits de donation sur dons manuels révélés à l’administration fiscale.

Les droits de donation sont calculés sur la valeur du don au jour de sa déclaration ou sur sa valeur au jour de la donation si elle est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel (art. 757 du CGI). La Cour de cassation renvoie une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel considérant comme sérieux le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi et de sécurité juridique.

VI – CONTRÔLE ET CONTENTIEUX

CAA Paris, 18 mars 2021, n° 20PA01488, Sté Alcyom
Mise en cause de la responsabilité de l’État pour refus illégal d’agrément.

La CAA de Paris s’est prononcée après cassation (CE, 5 juin 2020, n° 424036, Sté Alcyom) sur la mise en jeu de la responsabilité de l’État en raison d’une décision de refus d’agrément reconnue illégale. Dans cette dernière décision, le Conseil d’État a jugé que les préjudices invoqués par les sociétés résultaient directement du refus d’agrément qui privait de son intérêt fiscal l’opération proposée aux investisseurs.
La CAA de Paris confirme de la possibilité pour des tiers de rechercher la responsabilité de l’État à condition de démontrer l’existence d’un lien direct de causalité entre leur préjudice et la faute commise par l’Administration.

CE, 25 mars 2021, n° 430593, Sté RTE Technologies
Inapplication de la garantie attachée à la faculté de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur en cas de contrôle ne faisant état d’aucune difficulté.

La Charte des droits du contribuable vérifié, opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 10 du LPF, prévoit la possibilité pour un contribuable de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l’interlocuteur départemental ou régional. Cette garantie substantielle est ouverte à l’intéressé à deux moments distincts de la procédure : (i) au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification et (ii) après la réponse faite par l’Administration aux observations du contribuable sur cette proposition au regard du bien-fondé des rectifications envisagées.

L’administration n’est pas tenue de donner suite à la demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, présentée au cours d’une vérification de comptabilité, qui ne fait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle, susceptible de la rattacher à l’exercice de la garantie prévue au chapitre Ier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

I – FISCALITÉ DES ENTREPRISES

CE, 3 février 2021, n° 429702, Sté BNP Paribas Personal Finance
Déductibilité des dépréciations pour encours douteux constituées et déterminées par une méthode statistique.

Le recours à une méthode statistique pour l’identification d’encours douteux ainsi que l’évaluation des provisions afférentes est admis dans l’hypothèse d’opérations nombreuses et de faibles valeurs unitaires.

Le Conseil d’État a ainsi considéré qu’étaient justifiées les provisions passées par une société de crédit, qui avait classé en encours douteux des créances pour lesquelles elle avait constaté un ou plusieurs retards de paiement non régularisés à la clôture de l’exercice, et avait considéré que le constat de tels retards de paiement, nonobstant les diligences de l’établissement de crédit, caractérisaient, ainsi que l’attestent les données historiques et statistiques rassemblées par ce dernier, le caractère probable du non-recouvrement des créances en cause.
Sur le montant de la provision, le Conseil d’État note que les provisions en litige ont été évaluées par application d’un taux de dépréciation calculé à partir d’un outil statistique reposant sur les données moyennes de l’entreprise sur une période de 69 mois. Cette méthode statistique permettait ainsi d’évaluer avec une approximation suffisante la perte que la société était susceptible de subir pour chacune des catégories de créances en litige.

Rép. Min. n° 28652 : JOAN 9 février 2021
L’indemnité versée à la société cédée en application d’une garantie de passif n’est pas imposable si elle compense une charge non déductible.

Le mécanisme de garantie de passif prend la forme soit d’un ajustement du prix de cession, soit d’une clause indemnitaire. Dans ce dernier cas, le cédant peut déduire l’indemnité versée de son résultat taxable. Chez le cessionnaire, l’indemnisation ne constitue pas un produit imposable dès lors que la somme versée à la société cédée a pour objet de compenser une charge fiscalement non déductible du résultat imposable.
La société cédée doit donc être remise dans la situation qui aurait été la sienne si la charge indemnisée n’avait pas été constatée : soit la charge sera déductible et l’indemnisation imposable, soit la charge ne sera pas déductible et l’indemnisation restera non imposable.

TA Montreuil, 11 février 2021, n° 1808706,
Sté Compagnie Plastic Omnium

Imputation des pertes définitives de la filiale européenne d’une société intégrée.
Les pertes d’une filiale européenne peuvent être déduites en France par sa société mère française lorsque le caractère définitif des pertes de la filiale a été établi.
Ce caractère est notamment établi lorsque la cession de la filiale est rendue impossible (i) du fait de la disparition des débouchés industriels et de la spécialisation de l’usine, (ii) de l’impossibilité de procéder au changement de l’activité de la filiale au regard de la spécificité de ses équipements et (iii) de l’interdiction de céder les pertes de la filiale à un tiers.

CAA Versailles, 11 février 2021, n° 18VE02536, min c/ Sté Direct Energie
Dans le cadre de l’intégration fiscale, cumul de l’imputation des déficits propres antérieurs, des déficits sur une base élargie et du déficit d’ensemble.

Les sociétés d’un groupe fiscalement intégré, constitué à l’occasion d’une opération de restructuration de la société mère intégrante d’un précédent groupe, peuvent cumuler le bénéfice des mécanismes d’imputation des déficits propres antérieurs à la constitution du nouveau groupe, du déficit sur une base élargie et du déficit d’ensemble.
Le plafond d’un million d’euros de déficit imputable augmenté de la moitié de la part du bénéfice supérieur à un million d’euros, s’applique pour chaque mécanisme d’imputation de déficits et ne constitue pas un plafond unique qui viendrait limiter la somme des déficits imputables.

CE, 24 fév. 2021, n° 434129, Sté France Citévision
Dialectique de la preuve pour l’application de l’exonération de retenue à la source des intérêts payés à l’étranger.

Une société avait inscrit des intérêts en compte courant au profit de sa société mère établie aux Pays-Bas, ainsi qu’au profit d’une société « grand-mère » établie aux Iles Vierges Britanniques.
Or, les intérêts versés à une société mère européenne sont en principe exonérés de retenue à la source, sauf fraude. À ce titre, la circonstance que la société mère, à laquelle les intérêts en litige ont été payés, était établie aux Pays-Bas mais était contrôlée par une société domiciliée aux Îles Caïmans et par deux sociétés domiciliées aux îles Vierges britanniques, alors que l’administration fiscale n’apporte aucun élément relatif à l’objet de l’interposition de la société mère néerlandaise dans la chaîne de participations, ne constitue pas un commencement de preuve de fraude.

CE, 10 mars 2021, n° 423983, Sté Airbus SEP et autres
Rattachement des charges afférentes à des prestations continues à échéances successives.

La société Airbus avait souscrit à une prestation de garantie de l’équilibre économique d’un contrat, prestation qui visait à garantir l’équilibre financier de la location d’un avion de ligne sur toute la durée prévue par les contrats de location, soit 22 ans. La prestation était facturée chaque mois. A été jugé par le Conseil d’État que cette prestation devait être regardée comme une prestation continue fournie au cours d’exercices ultérieurs à celui au cours duquel la convention a été conclue. Les charges correspondantes sont des charges constatées d’avance imputables sur toute la durée d’exécution du contrat et ne pouvaient être déduites intégralement au cours de l’exercice de conclusion de la convention.
En outre, une prestation visant à garantir une valeur de revente d’un avion fixée à l’avance (généralement dix ans à l’avance) ne peut être regardée comme fournie, même partiellement, à la date de signature du contrat. Les prestations ne pouvaient être regardées comme fournies avant la conclusion du contrat de vente.

CE, 2 avril 2021, n° 429319, Alliance Négoce
Pour le transfert des déficits en cas de fusion ou scission, les critères du changement significatif d’activité doivent s’apprécier au regard de l’objectif du contribuable.

Afin de sauvegarder son activité et de maintenir le niveau de son chiffre d’affaires, une société avait conduit une réorganisation importante ayant abouti à une externalisation significative de son personnel et de ses moyens d’exploitation. La société avait, en revanche, maintenu son activité et son chiffre d’affaires, ce qui lui avait permis d’absorber une partie de ses pertes fiscales reportables. La société avait été ensuite absorbée par sa société mère et il avait été déposé à cette occasion une demande de transfert des déficits de la filiale.
Le Conseil d’État juge (i) que le dispositif, limitant le transfert des pertes en cas de changement d’activité, a été conçu comme une mesure anti-abus visant à s’assurer que le déficit n’a pas été volontairement créé par une modification de l’activité de la société et (ii) que le critère du changement significatif apparaît comme la déclinaison de la condition générale tenant à la justification économique et aux motivations principales autres que fiscales. Ainsi, ce sont bien les objectifs de la réorganisation et ses effets sur le volume d’activité qu’il faut prendre en considération de telle sorte que la diminution des moyens humains et matériels ne suffit pas à caractériser l’existence d’un changement significatif, justifiant l’interdiction du transfert des pertes.

CE, 20 avril 2021, n° 430561, Sté Baxter SAS
Absence de caractère indemnitaire des sommes versées par un commettant pour compenser l’impôt dû par son commissionnaire.

Des sommes versées en application d’un contrat de commissionnaire, en remboursement de la contribution que le commissionnaire acquitte annuellement au titre de son obligation au paiement d’une contribution spécifique aux entreprises du secteur pharmaceutique, ne présentent pas le caractère d’une indemnisation, dès lors que la société commettante n’est pas tenue à l’obligation de réparer un préjudice, lequel ne saurait, en tout état de cause, résulter du paiement de l’impôt dont le commissionnaire est redevable. Par conséquent, les sommes versées constituent des recettes imposables.

CE, 20 avril 2021, n° 429467, Sté Catana Group
Exclusion des apports par augmentation du nominal des titres pour la limitation de déductibilité des moins-values à court terme sur cession de titres acquis en contrepartie d’un apport.

La moins-value résultant de la cession, moins de deux ans après leur émission, de titres de participation acquis en contrepartie d’un apport réalisé et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d’inscription en comptabilité n’est pas déductible, dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d’inscription en comptabilité desdits titres et leur valeur réelle à la date de leur émission (article 39 quaterdecies 2° bis du CGI).
Il résulte de ces dispositions que la limitation de la déductibilité des moins-values à court terme s’applique seulement en cas de cession de titres de participations ayant fait l’objet d’une émission nouvelle en contrepartie d’un apport. A l’inverse, l’apport effectué par augmentation de la valeur nominale des titres de la filiale est hors champ des dispositions précitées.

BOI-RES-IS-000088
Possibilité d’intégrer fiscalement une société dès son acquisition.

L’administration permet à une société qui acquiert dès le premier jour de l’exercice 95% au moins du capital d’une autre société, de constituer, dès l’exercice d’acquisition, un groupe fiscal avec cette dernière même si la filiale ne faisait auparavant pas partie d’un groupe intégré. Le jour de l’acquisition des titres de la filiale doit correspondre à la date d’ouverture des exercices de ces deux sociétés.

II – FISCALITÉ INTERNATIONALE

CE, 5 février 2021, n° 430594, min c/ Sté Performing Right Society
Application de la clause du bénéficiaire effectif aux redevances versées à un organisme de gestion collective étranger.

Une société de droit britannique détenant des droits d’auteurs pour le compte de personnes physiques et qui, chaque année, reverse l’essentiel des redevances touchées à ses membres, ne peut être considérée comme le bénéficiaire effectif des droits versés au sens de la convention franco-britannique du 19 juin 2008.
Dès lors, seuls les membres de l’entité britannique peuvent se prévaloir des stipulations de la convention relative à l’exonération de retenue à la source française s’appliquant sur les redevances versées.

Arrêté ECOE2036563A du 26 février 2021
Actualisation de la liste des ETNC.

La liste des États et territoires non coopératifs, au sens de l’article 238-0 A du CGI, qui depuis l’an dernier inclut des États inscrits sur la liste « noire » européenne, a été mise à jour. Les Bahamas et Oman en sont retirés, tandis que la Dominique et Palaos y sont ajoutés.
>> Cliquez-ici pour voir la liste ETNC

CE, 2 avril 2021, n° 427880, min c/ Sté World Investment Corporation
Pour l’application de la plus-value des non-résidents, assimilation d’une corporation immatriculée au Delaware à une SAS française

Reprenant sa grille d’analyse issue de sa décision Sté Artémis SA (CE, plén., 24 nov. 2014, n° 363556), le Conseil d’État juge qu’une « corporation » immatriculée au Delaware, dont les titres sont librement négociables, sous réserve du droit prioritaire de souscription dont bénéficient les associés en cas d’émission de nouvelles parts, et dont la responsabilité financière des associés est limitée aux apports, sauf s’ils sont rendus responsables du fait de leurs agissements personnels, est assimilable à une SAS de droit français, passible de l’impôt sur les sociétés à raison de sa forme sociale, en application de l’article 206, 1 du CGI.

III – FISCALITÉ IMMOBILIÈRE

CAA Marseille, 18 fév. 2021, n° 19MA03657
Cession d’usufruit temporaire portant sur un bien immobilier.

Il résulte de l’article 13, 5° du CGI que le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un usufruit est imposable au nom du cédant dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré et que leur champ d’application recouvre toutes les premières cessions à titre onéreux d’un même usufruit pour une durée explicitement déterminée entre les parties à l’acte de cession. Ainsi, le produit résultant de la cession de l’usufruit temporaire est imposé dans la catégorie des revenus fonciers lorsque l’usufruit temporaire cédé est relatif à un bien immobilier ou à des parts de sociétés à prépondérance immobilières non soumises à l’IS.
Ce dispositif s’applique également en cas de cession simultanée de l’usufruit temporaire et de la nue-propriété du bien démembré.

CAA Douai, 15 avril 2021, n° 19DA00580
Confirmation de la notion de marchand de biens.

Les bénéfices réalisés à l’occasion de la cession d’immeubles par des sociétés civiles sont imposables à l’impôt sur les sociétés lorsque ces opérations d’achat de biens immobiliers suivies de leur revente, sont habituelles et réalisées avec une intention spéculative laquelle doit être, en principe, appréciées à la date d’acquisition des biens.
Si la condition d’habitude n’est pas, en principe, remplie dans le cas d’une société civile qui a eu pour seule activité la réalisation d’une seule opération spéculative consistant à acheter et revendre en l’état un immeuble déterminé, il en va différemment lorsque douze lots ont été construits afin d‘être proposés à la vente et que dix d’entre eux ont été vendus sur une période de quelques mois seulement.

IV – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

CE, 24 février 2021, n° 429647
Exigibilité de la TVA sur un acompte versé en contrepartie d’une prestation de services.

La TVA est exigible sur des acomptes, c’est-à-dire sans que la prestation ne soit encore effectuée, lorsque tous les éléments pertinents de la future prestation sont déjà connus ce qui suppose qu’au moment du versement de l’acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine. Des acomptes versés sur des travaux à réaliser, avant l’obtention d’un permis de construire d’un immeuble, ne sont pas passibles de la TVA dès lors que la réalisation des travaux envisagés restait incertaine à la date de ce versement.

CJUE, 11 mars 2021, aff. C-812/19, Danske Bank A/S
Appréciation de la relation siège/succursale pour le régime de groupe.

Saisi d’une question préjudicielle, la CJUE juge que l’établissement principal d’une société, situé dans un État membre et faisant partie d’un groupement TVA, et sa succursale, établie dans un autre État membre, doivent être considérés comme des assujettis distincts lorsque cet établissement principal fournit à ladite succursale des services dont il lui impute les coûts.
L’arrêt Danske Bank confirme le principe appliqué dans l’arrêt Skandia America (CJUE, 11 sept. 2014, C-7/13) selon lequel l’adhésion à un groupe TVA local transforme la relation « interne » siège/succursale en une opération imposable entre deux assujettis distincts.
Ceci implique notamment qu’une succursale non autonome de son siège étranger, simple preneuse d’une prestation du groupe TVA dont lequel fait partie son siège, soit qualifiée d’assujetti TVA.

V – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Rép. Min. n° 19892 : JO Sénat 11 mars 2021, Masson
Précisions sur le caractère imposable des sommes inscrites au crédit du compte courant d’associés d’une société.

Sont notamment considérées comme revenus distribués les sommes ou valeurs non prélevées sur les bénéfices, à savoir les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts non prélevées sur les bénéfices, sous réserve que l’Administration en rapporte la preuve (article 109, 1-2° du CGI).
Si, par principe, les sommes inscrites au crédit du compte courant d’associés sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l’associé peut apporter la preuve qu’elles sont indisponibles.
Ces sommes sont considérées comme indisponibles (i) lorsqu’elles ont une contrepartie pour la société, comme une avance faite par l’associé au profit de la société ou la prise en charge par l’associé d’une dette de la société ou (ii) lorsque l’associé n’a pas la disposition de ces sommes en droit ou en fait.
À cet égard, l’indisponibilité des fonds peut résulter de la situation de trésorerie de la société rendant tout prélèvement financièrement impossible ou de la conclusion d’une convention, d’un contrat ou d’une décision de blocage des sommes qui n’est pas liée à la volonté du titulaire du compte tel que le blocage du compte d’un associé minoritaire décidé par l’assemblée générale et dont le déblocage nécessiterait l’accord unanime des associés.

Cass. Com., 12 mai 2021, n° 20-21.109/b>
Renvoi d’une QPC relative aux modalités de calcul des droits de donation sur dons manuels révélés à l’administration fiscale.

Les droits de donation sont calculés sur la valeur du don au jour de sa déclaration ou sur sa valeur au jour de la donation si elle est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l’enregistrement du don manuel (art. 757 du CGI). La Cour de cassation renvoie une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel considérant comme sérieux le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux principes d’égalité devant la loi et de sécurité juridique.

VI – CONTRÔLE ET CONTENTIEUX

CAA Paris, 18 mars 2021, n° 20PA01488, Sté Alcyom
Mise en cause de la responsabilité de l’État pour refus illégal d’agrément.

La CAA de Paris s’est prononcée après cassation (CE, 5 juin 2020, n° 424036, Sté Alcyom) sur la mise en jeu de la responsabilité de l’État en raison d’une décision de refus d’agrément reconnue illégale. Dans cette dernière décision, le Conseil d’État a jugé que les préjudices invoqués par les sociétés résultaient directement du refus d’agrément qui privait de son intérêt fiscal l’opération proposée aux investisseurs.
La CAA de Paris confirme de la possibilité pour des tiers de rechercher la responsabilité de l’État à condition de démontrer l’existence d’un lien direct de causalité entre leur préjudice et la faute commise par l’Administration.

CE, 25 mars 2021, n° 430593, Sté RTE Technologies
Inapplication de la garantie attachée à la faculté de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur en cas de contrôle ne faisant état d’aucune difficulté.

La Charte des droits du contribuable vérifié, opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 10 du LPF, prévoit la possibilité pour un contribuable de s’adresser au supérieur hiérarchique du vérificateur puis à l’interlocuteur départemental ou régional. Cette garantie substantielle est ouverte à l’intéressé à deux moments distincts de la procédure : (i) au cours de la vérification et avant l’envoi de la proposition de rectification et (ii) après la réponse faite par l’Administration aux observations du contribuable sur cette proposition au regard du bien-fondé des rectifications envisagées.

L’administration n’est pas tenue de donner suite à la demande d’entretien avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, présentée au cours d’une vérification de comptabilité, qui ne fait état d’aucune difficulté affectant le déroulement des opérations de contrôle, susceptible de la rattacher à l’exercice de la garantie prévue au chapitre Ier de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

Vos interlocuteurs en droit fiscal

Philippe de Guyenro & Olivier Goldstein, Avocats Associés 

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