Reinhart Marville Torre • Newsletter

Publication des nouveaux CCAG.

Six nouveaux Cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics ont été publiés le 1er avril 2021 par le ministère de l’économie, des finances et de la relance :
les CCAG-travaux, CCAG-FCS, CCAG-PI, CCAG-MI et CCAG-TIC déjà existants ont été remaniés et un CCAG spécifique aux marchés de maîtrise d’œuvre (CCAG-MOE) a été créé.

Les CCAG, définis par arrêtés ministériels, constituent un cadre contractuel adapté aux marchés publics, définissant les droits et obligations des cocontractants, auxquels les acheteurs publics peuvent librement décider de se référer (et de déroger) pour définir les clauses de leurs marchés.
Les cinq CCAG jusqu’alors en vigueur avaient été publiés entre janvier et octobre 2009 (seul le CCAG-travaux a été légèrement actualisé en 2014). L’évolution de la jurisprudence administrative depuis 2009 et la transposition en droit français des directives européennes 2014/24/UE et 2014/25/UE par l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, codifiée depuis dans le code de la commande publique, ont rendu nécessaire l’actualisation des CCAG.
A l’issue d’une consultation publique ouverte entre le 15 janvier et le 5 février 2021, la DAJ de Bercy a publié le 1er avril 2021 six nouveaux CCAG, dont la publication bienvenue d’un CCAG spécifique aux marchés de maîtrise d’œuvre (CCAG-MOE). En effet, jusqu’à présent, les marchés de maîtrise d’œuvre se référaient au CCAG-PI (prestation intellectuelle), même si ce dernier n’était pas adapté aux spécificités d’un marché de maîtrise d’œuvre lié aux opérations de travaux, contraignant les acheteurs à y déroger massivement.

Rééquilibrer les relations contractuelles

Les nouveaux CCAG tendent à rééquilibrer les relations contractuelles entre l’acheteur et le titulaire. A titre d’illustrations :

  • les ordres de service prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives ayant une incidence financière sur le marché donnent lieu à rémunération complémentaire ; en l’absence de valorisation d’un ordre de service prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives, le titulaire peut refuser d’exécuter l’ordre de service concerné ;
  • le CCAG-MOE impose la passation d’un avenant lorsque le montant cumulé des ordres de service prescrivant des prestations supplémentaires atteint 10% du montant HT du marché de maîtrise d’œuvre ; au-delà de ce seuil, le maître d’œuvre peut refuser d’exécuter un ordre de service tant qu’il n’a pas fait l’objet d’un avenant ;
  • pour les marchés de travaux, les observations formulées par le titulaire sur un ordre de service suspendent le délai d’exécution de l’ordre de service concerné jusqu’à la réponse du maître d’ouvrage, lorsque les observations visent à informer le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre qu’un ordre de service présente un risque en termes de sécurité, de santé ou qu’il contrevient à une disposition législative ou réglementaire à laquelle le titulaire est soumis ;
  • les CCAG prévoient la mise en œuvre d’une procédure contradictoire permettant au titulaire de présenter ses observations, préalablement à l’application de pénalités par l’acheteur ;
  • le montant des pénalités de retard est plafonné à 10 % du montant du marché ou du bon de commande ;
  • le CCAG-travaux prévoit désormais qu’en cas de retard du titulaire pour transmettre son projet de décompte final, le maître d’ouvrage le met en demeure de produire son décompte final dans un délai de 15 jours ; ce n’est qu’en cas d’inaction du titulaire dans ce délai que le maître d’œuvre produira d’office le décompte final (le CCAG-travaux de 2009 ne prévoyait aucun délai particulier).

Dématérialisation

Les nouvelles versions de ces CCAG tiennent compte de la dématérialisation de la commande publique, notamment en précisant les modalités de notification par voie électronique des échanges entre l’acheteur et le titulaire et l’obligation de facturation électronique prévue par le code de la commande publique.
Propriété intellectuelle
Une clause de propriété intellectuelle unique a été insérée dans tous les CCAG de manière à être directement applicable, sans que l’acheteur ait besoin d’en préciser les conditions d’application dans les documents particuliers du marché. Cette clause, qualifiée d’ « auto-porteuse » par la DAJ de Bercy, a pour objectif de sécuriser l’exécution du marché, notamment lorsque les prestations couvertes par des droits de propriété intellectuelle ne sont qu’accessoires et n’auraient pas donné lieu à la rédaction d’une clause de propriété intellectuelle spécifique.
Un régime unique de cession à l’acheteur des droits de propriété intellectuelle à titre non exclusif, permet désormais à la fois à ce dernier d’utiliser les « résultats » pour les besoins de l’exécution du marché et au titulaire de réutiliser ces « résultats » à des fins commerciales. Par exception, le nouveau CCAG-MOE prévoit un régime de concession des droits de propriété intellectuelle à titre non-exclusif (sur le modèle de l’option A du CCAG-PI de 2009).

Avances

Pour déterminer le montant de l’avance versé au titulaire, les CCAG intègrent désormais un système d’option (inspiré du CCAG-PI de 2009). Les parties ont le choix entre deux options A et B pour calculer le montant de l’avance. L’option A permettrait de favoriser l’accès des PME à la commande publique par l’application volontaire du taux majoré d’avance pour ces entreprises (20 %). L’option B prévoit de fixer le taux d’avance au minimum prévu par le code de la commande publique, sous réserve de l’application d’un taux supérieur fixé dans les documents particuliers du marché. L’option A s’applique par défaut en l’absence de précision dans les documents particuliers du marché.

RGPD

Les règles en matière de traitement des données personnelles ont été actualisées pour tenir compte du règlement (UE) 2016/676 du 27 avril 2016 dit « RGPD ».

Imprévision

Compte tenu des difficultés rencontrées dans l’exécution des marchés pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, les CCAG prévoient désormais la possibilité de suspendre l’exécution des prestations en cas de circonstances imprévisibles. Une clause de réexamen prévoit en outre qu’en cas de circonstances imprévisibles affectant significativement les conditions d’exécution du marché, sans faire obstacle à la poursuite des prestations, les parties conviennent de réexaminer par voie d’avenant les conditions financières du marché.

Règlement des différends

Parmi les évolutions importantes observées, les clauses de règlement des différends ont été précisées et développées dans tous les CCAG :

  • les CCAG invitent dorénavant l’acheteur et le titulaire qui ne parviennent pas à régler un différend après que le titulaire a adressé son mémoire en réclamation, à tenter de régler leur différend à l’amiable en saisissant le comité consultatif de règlement amiable (CCIRA), en ayant recours à la conciliation, à la médiation, notamment au médiateur des entreprises, ou à l’arbitrage ;
  • les CCAG définissent désormais utilement la notion de « différend », dont l’apparition constitue le point de départ du délai imparti au titulaire pour présenter sa réclamation, et ce que doit contenir le mémoire en réclamation du titulaire afin de garantir la recevabilité d’un recours juridictionnel ultérieur ;

pour tous les CCAG, un délai de recours contentieux de deux mois est désormais prévu pour les réclamations auxquelles a donné lieu le solde du marché, à l’exception du CCAG-Travaux qui prévoit toujours un délai de six mois, et du nouveau CCAG-MOE qui reprend le délai de six mois prévu au CCAG-travaux. Sur le fondement des CCAG de 2009 (autres que le CCAG-travaux), aucun délai de forclusion ne s’appliquait au titulaire pour porter sa contestation devant le CCIRA ou le juge administratif, le délai de deux mois de droit commun n’étant pas applicable à la contestation des mesures prises pour l’exécution d’un contrat (art. R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative).

Entrée en vigueur

Les nouveaux CCAG sont entrés en vigueur dès le 1er avril 2021. Toutefois, s’ils ne font pas expressément référence aux nouveaux CCAG, les marchés dont une consultation est engagée ou un avis d’appel public à la concurrence est envoyé à la publication entre le 1er avril 2021 et le 30 septembre 2021, sont réputés faire encore référence aux anciens CCAG.
Ces dispositions transitoires laissent ainsi le temps aux acheteurs publics et aux entreprises de la commande publique de s’approprier ces nouveaux CCAG pour l’exécution de leurs marchés.

Vos interlocuteurs en droit public

Lionel Levain, Associé • Mathieu Prats-Denoix & Mike Gilavert, Collaborateurs
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