Reinhart Marville Torre • Newsletter

I – FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Justification du taux d’intérêt pratiqué entre sociétés liées 

L’administration a publié début février 2021 huit fiches pratiques visant à expliciter davantage, à partir d’exemples concrets, les bonnes pratiques et la manière dont peut être apportée la démonstration du caractère déductible des intérêts servis entre sociétés liées.
(CGI, art. 39, 12 ; art. 39, I-3° ; art. 212-I, a.)

Fiche 1 : Dialectique de la preuve

Fiche 2 : Modalités de preuve

Fiche 3 : Comparabilité – publications méthodologiques d’agences de notation et risque de crédit

Fiche 4 : Comparabilité – cas d’un ajustement améliorant la fiabilité d’un comparable

Fiche 5 : Comparabilité – présence de différences multiples et substantielles

Fiche 6 : Comparabilité – contrat de prêt bancaire à emprunteurs multiples

Fiche 7 : Comparabilité – prêts « miroirs » ;

Fiche 8 : Comparabilité – marché financier obligataire. 

Cette publication intervient dans un contexte où les juridictions semblent avoir adopté une approche pragmatique pour apprécier les éléments de preuve rapportés par les entreprises pour justifier que les taux retenus correspondent bien à des taux de marché. Dans un arrêt du 22 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 22/10/2020, n° 18PA01026, Studialis) a ainsi admis la possibilité (i) de retenir comme comparable valide une offre de crédit « non ferme » émise par un établissement bancaire et (ii) de s’appuyer sur une étude de comparables obligataires pour justifier la conformité d’un taux retenu au principe de pleine concurrence. Encore plus récemment, le Conseil d’Etat reconnait le droit pour une entreprise de recourir à un logiciel de scoring pour évaluer sa notation de crédit et en déduire le taux auquel elle aurait pu se financer sur le marché (CE, 11 décembre 2020, n°433723, SA BSA).

Modification des règles d’imputation des pertes résultant d’une annulation de titres
Article 13 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État a annulé en 2019 (CE, 22/11/2019, n° 431867) les dispositions d’une instruction administrative qui réservaient la possibilité d’imputer des pertes résultant de l’annulation de titres à la seule l’hypothèse où cette annulation intervenait à la suite d’une procédure collective. L’instruction précisait que les moins-values résultant de l’annulation volontaire de titres, notamment pour rétablir les capitaux propres d’une société, n’étaient pas imputables. 

L’article 13 de la Loi de finances pour 2021 tire les conséquences de cette décision en assouplissant les règles d’imputation des pertes résultant d’une annulation de titres telles que prévues à
l’article 150-0 D, 12 du CGI. Désormais, les plus-values imposables peuvent être réduites (i) des pertes résultant d’une annulation de titres intervenant dans une procédure collective mais également (ii) des pertes constatées en cas d’annulation de titres procédant de la réduction totale du capital de la société. 

Modification du régime d’imputation sur une base élargie des déficits transférés sur agrément dans le régime de l’intégration fiscale
Article 30 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Pour rappel, lors de la cessation d’un groupe intégré, le déficit d’ensemble est acquis à la société mère qui peut le reporter sur ses propres résultats individuels (CGI, art. 223 S). Par exception, le déficit d’ensemble du groupe dissous, à la suite de l’absorption de la société mère intégrante, peut s’imputer sur les résultats des sociétés ayant appartenu au groupe dissous dès lors qu’elles font partie du nouveau groupe (CGI, art. 223 I, 5). Le bénéfice de cette dérogation était jusqu’à maintenant réservé aux déficits réalisés par les seules sociétés ayant rejoint le nouveau groupe
(CGI Annexe III, art. 46 quater-0 ZJ bis). Ainsi, en cas de fusion d’une société préalablement à son entrée dans le nouveau groupe, la part du déficit attribuable à cette société absorbée tombait en non-valeur du fait de son impossibilité d’entrer dans le nouveau groupe (CE, 28 novembre 2018, n° 417173, Ypso France). Il en résultait ainsi une différence de traitement selon que la fusion intervenait antérieurement ou postérieurement à la constitution du nouveau groupe. 

L’article 30 de la Loi de finances pour 2021 met fin à cette jurisprudence en permettant la prise en compte des déficits dans la base élargie, d’une société du groupe dissous absorbée préalablement à la constitution du nouveau groupe, lorsque l’absorbante a vocation à rejoindre le nouveau groupe. 

Mécanisme temporaire et optionnel de neutralisation fiscale de la première réévaluation libre des actifs
Article 31 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

L’écart de réévaluation constaté à l’occasion d’une réévaluation libre de l’ensemble des actifs d’une entreprise constitue une variation d’actif net imposable dans les conditions de droit commun
(CGI, art. 38, 2). 

L’article 31 de la Loi de finances pour 2021 prévoit un mécanisme temporaire et optionnel de neutralisation des conséquences fiscales d’une telle réévaluation libre d’actifs (CGI, art. 238 bis JB) afin de permettre aux sociétés impactées par la crise sanitaire de restaurer plus facilement leurs capitaux propres. Ce mécanisme s’applique à la première opération de réévaluation libre d’actifs réalisée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022. 

L’article 238 bis JB du CGI subordonne le bénéfice de ce régime à plusieurs conditions : 

  • Concernant les immobilisations financières non amortissables, l’entreprise doit s’engager à calculer la plus-value ou moins-value ultérieure de cession d’après leur valeur non réévaluée ;
  • Concernant les immobilisations corporelles amortissables, l’entreprise doit s’engager (i) à réintégrer l’écart de réévaluation dans ses bénéfices imposables à un rythme différencié par parts égales sur une période de 15 ans pour les constructions et sur une période de 5 ans pour les autres immobilisations, (2) à réintégrer la fraction de l’écart de réévaluation afférent à ce bien non encore réintégrée, en cas de cession et (3) à déterminer les amortissements et provisions de ces immobilisations sur la base de la valeur réévaluée de ces actifs.

Étalement de l’imposition de la plus-value réalisée sur les opérations de sale lease-back
Article 33 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

La plus-value réalisée par une entreprise à l’occasion d’une opération de cession d’un immeuble (sale), qui en conserve néanmoins la jouissance (lease back) en vertu d’un contrat de crédit-bail, peut être étalée par parts égales sur la durée de ce crédit-bail (dans la limite de 15 ans). L’immeuble cédé doit être affecté par la société cédante à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (sauf si le bien repris par la société en location est re-loué à une autre société liée qui l’affecte à son activité économique). L’objectif ici est d’éviter les opérations à finalité patrimoniale.

Dialectique de la preuve en présence de déficits antérieurs non déclarés
CE, 31 décembre 2020, n° 428297, SCI Calmes 

Il résulte d’une jurisprudence constante qu’il incombe toujours au contribuable de justifier de la réalité et du montant des reports déficitaires qu’il impute sur ses résultats. Le Conseil d’État a précisé l’étendue de la charge de la preuve pesant sur le contribuable. Dans l’hypothèse où le contribuable justifie l’existence d’un déficit et de son montant en produisant une comptabilité régulière et probante, il incombe alors à l’administration, si elle s’y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d’un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Le juge de l’impôt doit alors apprécier la valeur des explications respectives du contribuable et de l’administration.

Prise en compte des gains et des pertes de change pour déterminer les plus ou moins-value de cession de titres
CE, 28 septembre 2020, n° 438845, Securitas France Holding

A l’occasion de la cession de titres de participation libellée en devises étrangères, une entreprise avait constaté une perte de change liée à la variation du cours de cette devise. L’entreprise avait choisi fiscalement de suivre le traitement comptable et de scinder ces deux éléments de revenus en constatant une plus-value d’un côté, imposable selon le régime des plus-values à long terme et une perte de change de l’autre, déductible au taux de droit commun. La Cour administrative d’appel de Versailles avait censuré cette position en jugeant que les gains et les pertes de changes ne sont pas dissociables de la plus ou moins-value de cession et qu’ils sont donc à prendre en compte pour le calcul des plus ou moins-value (CAA Versailles, 19/12/2019, n° 17VE01521). Le Conseil d’Etat valide cette position.

Compte courant d’associé : détermination du taux d’intérêts déductible maximal au titre de 2020 

Le taux d’intérêt maximal déductible, par application de l’article 39, 1-3° du CGI, est égal à la moyenne du taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans, déterminé au titre de chaque trimestre
(BOI-BIC-CHG-50-50-30 § 70).

Les taux du 1er au 4ème trimestre s’élevant respectivement à 1,21%, 1,16%, 1,17%, et 1,17% ; le taux maximal d’intérêts déductibles de compte courant s’associés s’établit à 1,18% pour les entreprises dont l’exercice clos le 31 décembre 2020 coïncide avec l’année civile. 

II – FISCALITÉ INTERNATIONALE

Approbation de l’avenant à la Convention fiscale franco-luxembourgeoise
Loi n° 2021-68, 27 janvier 2021

La loi autorisant l’approbation de l’avenant signé le 10 octobre 2019 à la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 20 mars 2018 a été publiée au Journal Officiel. Cet avenant instaure, à compter du 1er janvier 2020, pour les revenus salariaux des frontaliers ainsi que pour les revenus immobiliers de source luxembourgeoise, un mécanisme d’élimination des doubles impositions en France, via un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français, sous réserve que les revenus en question aient été effectivement soumis à l’impôt au Luxembourg.

Communiqué relatif à la mise en œuvre de l’approche « Actifs incorporels difficiles à valoriser »
Communiqué OCDE, 16 décembre 2020

L’OCDE publie les informations fournies par quarante juridictions sur les règles mise en place, pour apprécier les transactions impliquant des actifs incorporels difficiles à valoriser. Pour rappel, l’Action 8 du Plan d’action BEPS invite les États à élaborer des règles de calcul spécifiques des prix de transfert ou des mesures spéciales applicables aux transferts d’actifs incorporels difficiles à valoriser afin d’empêcher l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices au moyen de transferts d’actifs incorporels entre les membres d’un même groupe. Pour mémoire, la France n’a pas mis en place de dispositif particulier à ce stade.

Précisions sur la notion d’établissement stable
CE, plèn. Fisc., 11 décembre 2020, n° 420174, min c/ Sté Conversant International Limited

Dans cette affaire jugée en assemblée plénière, une société irlandaise détenait, via un accord de licence, le droit de commercialiser en Europe les produits (marketing digital) de sa société mère américaine. En France, cette commercialisation passait par le recours aux services d’une filiale française liée, qui était en charge de présenter les produits à une clientèle d’annonceurs français et de « négocier » les termes du contrat élaborés par ses commerciaux. La filiale française ne disposait pas du pouvoir formel de signer les accords qui, une fois ces termes et conditions arrêtés, étaient envoyés à la société irlandaise pour signature.

Au regard des stipulations de la convention franco-irlandaise, une société résidente d’Irlande doit être considérée comme ayant un établissement stable en France si, notamment, elle a recours à une personne dépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l’engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État dans une approche plus pragmatique que formelle, constate que la signature des contrats par la société irlandaise était automatique de sorte qu’elle ne faisait qu’entériner les accords négociés par les salariés de la filiale française. Il en conclut que cette société française possédait en substance le pouvoir d’engager, de manière habituelle et routinière, la société irlandaise ce qui est le caractère essentiel d’un agent dépendant. Cette position est à rapprocher de la conception issue de l’article 12 de l’Instrument Multilatéral qui définit un agent dépendant comme celui qui joue le rôle principal dans la conclusion d’un contrat.

Financement intra-groupe et abus de droit
TA Montreuil, 19 nov. 2020, n°1709196, Howmet

Un jugement du Tribunal de Montreuil retient notre attention pour sa complexité et le recours à plusieurs techniques de fiscalité internationale permettant d’assurer le financement, par un groupe américain, d’activités en Espagne. La structuration de l’opération, via l’empilement entre la société mère américaine et la filiale espagnole d’entités situées en Suisse (statut de Swiss finance branch), en France (bénéfice du régime des sociétés mères) et en Belgique (déduction d’intérêts notionnels), avait été perçue par les autorités fiscales françaises comme constitutive d’un abus de droit. Cette qualification, qui n’avait pas été retenue par le Comité de l’abus de droit fiscal, est également écartée par le tribunal qui, pour justifier sa position, relève que la société française était rémunérée à des conditions de marché et que la société belge avait une réelle substance économique. Le Tribunal conclut que l’opération ne répondrait à un intérêt purement fiscal, même si comme le souligne le rapporteur public, il est « indéniable que des considérations fiscales ont été retenues également par les acteurs du montage. »

III – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Cession de titres d’une société à prépondérance immobilière, les immeubles par destination sont exclus de l’appréciation de la prépondérance immobilière
Cass. com. du 2 décembre 2020, n° 18-25.559 FS-PR

L’article 726, I-2° du CGI prévoit l’assujettissement, au taux de 5%, des cessions de participations détenues dans des personnes morales à prépondérance immobilière. Est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d’instruments financiers et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France.

La Cour de cassation juge que les immeubles par destination (au cas d’espèce les installations techniques d’une centrale hydraulique : turbine, câble, armoire électrique) ne doivent pas être considérés comme des « immeubles » au sens des dispositions précitées, de telle sorte qu’ils ne peuvent être pris en compte pour déterminer si une personne morale est à prépondérance immobilière. Cette solution est favorable notamment pour le calcul des droits d’enregistrement.

Taxe de 3% : précisions sur la détermination du ratio de prépondérance immobilière
Cass. Com., 2 décembre 2020, n° 18-22.512, Sté Cacique Investmets Limited

Les entités juridiques, dont les actifs immobiliers situés en France représentent moins de 50% des actifs français détenus directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs entités juridiques, sont exonérées de la taxe de 3% (CGI, art. 990 E, 1-a).

Au cas d’espèce, la filiale française d’une société britannique, elle-même détenue à 50% par une société de Jersey, était propriétaire d’un immeuble en France. L’acquisition de cet immeuble avait été en partie financée par un prêt accordé par la société britannique à la société française. La société de Jersey considérait qu’elle n’entrait pas dans le champ de la taxe de 3% dès lors que la valeur de la créance détenue indirectement via sa filiale britannique, était supérieure à la valeur de l’immeuble de sorte que le ratio permettant d’apprécier la prépondérance immobilière était inférieur à 50%.

La Cour de cassation écarte cette position en considérant que la prise en compte de la créance reviendrait à n’imposer que les entités étrangères qui achèteraient directement un bien immobilier en France, à l’exclusion de celles qui en feraient l’acquisition par l’intermédiaire d’une société française, en gonflant artificiellement le dénominateur du ratio de prépondérance immobilière par toute créance en compte courant.

IV – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Précisions sur le point de départ du délai de péremption en matière de droit à déduction
CE, 23 novembre 2020, n° 428497, Sté des Vignobles Marengo Pères et fils

Il résulte des dispositions de l’article 271 du CGI et de l’article 208, Ann. II au CGI, que le délai imparti pour réparer une omission de déclaration de la TVA déductible court à compter de la date d’exigibilité de la taxe chez le redevable et expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date à laquelle la déclaration devait être effectuée.

Lorsqu’un assujetti a omis de reporter le montant de la taxe déductible qu’il a déclaré dans les délais prévus, le délai de régularisation de son omission, à peine de péremption du droit à déduction, expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date limite à laquelle il devait déclarer ce premier report.

Déduction de la TVA sur les frais d’engagés par une holding mixte, en cas d’échec d’une opération d’acquisition
CJUE, 12 novembre 2020, aff. C-42/19

Conformément à une jurisprudence constante de la CJUE (CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-108/14, Larentia + Minerva et Marevane Schiffahrt), une holding mixte peut déduire la TVA acquittée en amont sur les prestations de service et actes préparatoires acquis pour les besoins de la réalisation d’un projet d’acquisition de titres.

La CJUE précise que ce droit à déduction n’est pas affecté par la circonstance que l’opération d’acquisition envisagée n’a pas été finalement réalisée en raison d’évènements extérieurs à la volonté de la société holding.

Taux de TVA applicable aux opérations d’entremise
CE, 11 décembre 2020, n° 440587, Alliance professionnelle des agents commerciaux

Les opérations d’entremise effectuées par des intermédiaires transparents sont regardées comme des prestations de service. La base d’imposition de ces dernières n’est pas constituée par le montant de la transaction dans laquelle ils s’entremettent, mais par toutes les sommes reçues en contrepartie du service rendu.

S’agissant du taux applicable aux services d’intermédiation transparente, la pratique consistait jusqu’alors à appliquer le taux de TVA applicable à la transaction.

Le Conseil d’Etat juge que la rémunération versée à un intermédiaire transparent intervenant dans une livraison de biens ou dans une prestation de services soumise au taux réduit ou au taux intermédiaire ne peut pas bénéficier du taux applicable à cette opération, mais doit être soumise au taux normal.

V – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Salariés impatriés et mobilité intra-groupe au regard de l’art. 155 B du CGI
CE, 22 déc. 2020, n° 427536

Au titre de l’article 155 B, I-1 du CGI, les salariés appelés de l’étranger à occuper temporairement un emploi dans une entreprise française, ne sont pas soumis à l’impôt à raison de leurs rémunération d’impatriation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre État, à hauteur de 30% de leur rémunération.

Le Conseil d’État juge qu’un salarié ayant rompu tout lien juridique avec la société britannique d’un groupe avant de conclure un contrat à durée indéterminée avec la filiale française du même groupe, mais ayant bénéficié, lors de son embauche en France, d’une dispense de période d’essai ainsi que de la reprise intégrale de son ancienneté dans le groupe doit être regardé comme ayant fait l’objet d’une mobilité intra-groupe.

Il ne peut être regardé comme ayant fait l’objet d’un recrutement direct à l’étranger par une entreprise établie en France et ne peut, en conséquence, bénéficier de l’option en faveur de l’exonération de 30% prévue par l’article 155 B du CGI.

Application de la majoration de 25% sur les distributions occultes ou irrégulières soumises au PFU 
Article 39 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Les revenus mobiliers ayant fait l’objet d’une distribution occulte ou irrégulière, au sens des articles 109 et 111 du CGI, imposés au PFU à défaut d’option pour le barème progressif, sont désormais soumis à une majoration d’assiette de 1,25
(art. 200 A, 1-A-1° du CGI).

Plus-value immobilière : point de départ du délai de détention en cas de promesse synallagmatique de vente sans condition suspensive
CE, 29 décembre 2020, n° 428306

La date à retenir pour le transfert de propriété, et partant, pour la réalisation de la plus-value imposable, est déterminée par application des règles du droit civil, sauf disposition fiscale contraire.

La promesse synallagmatique de vente sans condition révèle le consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix, le transfert de propriété, qui détermine la date de réalisation de plus-value, est réputé avoir lieu à compter de la signature de la promesse.

VI – CONTRÔLE ET CONTENTIEUX FISCAL

Admissibilité des preuves issues de la commission d’un délit 
Cass. Com., 16 déc. 2020, n° 18-16.801

Pour démontrer la détention d’un compte non déclaré en Suisse, l’Administration a utilisé des données informatiques dérobées par un ancien informaticien salarié d’une filiale d’une banque suisse. Ces pièces ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de cet ancien salarié dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire internationale délivrée à l’initiative des autorités judiciaires helvétiques.

Dès lors que la détention du compte non déclaré avait été porté à la connaissance de l’Administration dans l’exercice régulier de son droit de communication, le moyen relatif au caractère illicite de la preuve doit être écarté.

Création de l’examen de conformité fiscale (ECF)
Décret 2021-25 et Arrêté CCPE2035569A du 13 janv. 2021

L’ECF est une prestation contractuelle au titre de laquelle un prestataire s’engage en toute indépendance, à la demande d’une entreprise, à se prononcer sur la conformité aux règles fiscales des points prévus dans le chemin d’audit et selon le cahier des charges définis par l’arrêté, au titre d’un exercice fiscal. Le décret n’indique pas la qualité du prestataire. À cet égard, un communiqué ministériel précise que la prestation sera plus particulièrement réalisée par les professionnels du chiffre, du conseil et de l’audit (Communiqué n° 570 du 18 janv. 2021).

L’existence d’un ECF devra être mentionnée dans la déclaration de résultat souscrite par l’entreprise, afin de produire les effets d’une mention expresse exonératoire de l’intérêt de retard en cas de rappel ultérieur.

L’ECF doit porter sur les questions fiscales délimitées par le chemin d’audit comprenant, notamment :

  • La conformité du fichier des écritures comptables (FEC) au format défini à l’article 47 A-1 du LPF ;
  • La qualité comptable du FEC au regard des principes comptables ;
  • Le respect des règles sur le délai et le mode de conservation des documents ;
  • La validation du respect des règles liées  au régime d’imposition appliqué (régime simplifié, réel) en matière d’IS et TVA au regard  de la nature de l’activité et du chiffre d’affaires ;
  • Les règles de détermination des amortissements, provisions et charges à payer, et leur traitement fiscal ;
  • La qualification et la déductibilité des charges exceptionnelles ;
  • Le respect des règles d’exigibilité en matière de TVA.

I – FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Justification du taux d’intérêt pratiqué entre sociétés liées 

L’administration a publié début février 2021 huit fiches pratiques visant à expliciter davantage, à partir d’exemples concrets, les bonnes pratiques et la manière dont peut être apportée la démonstration du caractère déductible des intérêts servis entre sociétés liées.
(CGI, art. 39, 12 ; art. 39, I-3° ; art. 212-I, a.)

Fiche 1 : Dialectique de la preuve

Fiche 2 : Modalités de preuve

Fiche 3 : Comparabilité – publications méthodologiques d’agences de notation et risque de crédit

Fiche 4 : Comparabilité – cas d’un ajustement améliorant la fiabilité d’un comparable

Fiche 5 : Comparabilité – présence de différences multiples et substantielles

Fiche 6 : Comparabilité – contrat de prêt bancaire à emprunteurs multiples

Fiche 7 : Comparabilité – prêts « miroirs » ;

Fiche 8 : Comparabilité – marché financier obligataire. 

Cette publication intervient dans un contexte où les juridictions semblent avoir adopté une approche pragmatique pour apprécier les éléments de preuve rapportés par les entreprises pour justifier que les taux retenus correspondent bien à des taux de marché. Dans un arrêt du 22 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 22/10/2020, n° 18PA01026, Studialis) a ainsi admis la possibilité (i) de retenir comme comparable valide une offre de crédit « non ferme » émise par un établissement bancaire et (ii) de s’appuyer sur une étude de comparables obligataires pour justifier la conformité d’un taux retenu au principe de pleine concurrence. Encore plus récemment, le Conseil d’Etat reconnait le droit pour une entreprise de recourir à un logiciel de scoring pour évaluer sa notation de crédit et en déduire le taux auquel elle aurait pu se financer sur le marché (CE, 11 décembre 2020, n°433723, SA BSA).

Modification des règles d’imputation des pertes résultant d’une annulation de titres
Article 13 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État a annulé en 2019 (CE, 22/11/2019, n° 431867) les dispositions d’une instruction administrative qui réservaient la possibilité d’imputer des pertes résultant de l’annulation de titres à la seule l’hypothèse où cette annulation intervenait à la suite d’une procédure collective. L’instruction précisait que les moins-values résultant de l’annulation volontaire de titres, notamment pour rétablir les capitaux propres d’une société, n’étaient pas imputables. 

L’article 13 de la Loi de finances pour 2021 tire les conséquences de cette décision en assouplissant les règles d’imputation des pertes résultant d’une annulation de titres telles que prévues à
l’article 150-0 D, 12 du CGI. Désormais, les plus-values imposables peuvent être réduites (i) des pertes résultant d’une annulation de titres intervenant dans une procédure collective mais également (ii) des pertes constatées en cas d’annulation de titres procédant de la réduction totale du capital de la société. 

Modification du régime d’imputation sur une base élargie des déficits transférés sur agrément dans le régime de l’intégration fiscale
Article 30 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Pour rappel, lors de la cessation d’un groupe intégré, le déficit d’ensemble est acquis à la société mère qui peut le reporter sur ses propres résultats individuels (CGI, art. 223 S). Par exception, le déficit d’ensemble du groupe dissous, à la suite de l’absorption de la société mère intégrante, peut s’imputer sur les résultats des sociétés ayant appartenu au groupe dissous dès lors qu’elles font partie du nouveau groupe (CGI, art. 223 I, 5). Le bénéfice de cette dérogation était jusqu’à maintenant réservé aux déficits réalisés par les seules sociétés ayant rejoint le nouveau groupe
(CGI Annexe III, art. 46 quater-0 ZJ bis). Ainsi, en cas de fusion d’une société préalablement à son entrée dans le nouveau groupe, la part du déficit attribuable à cette société absorbée tombait en non-valeur du fait de son impossibilité d’entrer dans le nouveau groupe (CE, 28 novembre 2018, n° 417173, Ypso France). Il en résultait ainsi une différence de traitement selon que la fusion intervenait antérieurement ou postérieurement à la constitution du nouveau groupe. 

L’article 30 de la Loi de finances pour 2021 met fin à cette jurisprudence en permettant la prise en compte des déficits dans la base élargie, d’une société du groupe dissous absorbée préalablement à la constitution du nouveau groupe, lorsque l’absorbante a vocation à rejoindre le nouveau groupe. 

Mécanisme temporaire et optionnel de neutralisation fiscale de la première réévaluation libre des actifs
Article 31 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

L’écart de réévaluation constaté à l’occasion d’une réévaluation libre de l’ensemble des actifs d’une entreprise constitue une variation d’actif net imposable dans les conditions de droit commun
(CGI, art. 38, 2). 

L’article 31 de la Loi de finances pour 2021 prévoit un mécanisme temporaire et optionnel de neutralisation des conséquences fiscales d’une telle réévaluation libre d’actifs (CGI, art. 238 bis JB) afin de permettre aux sociétés impactées par la crise sanitaire de restaurer plus facilement leurs capitaux propres. Ce mécanisme s’applique à la première opération de réévaluation libre d’actifs réalisée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022. 

L’article 238 bis JB du CGI subordonne le bénéfice de ce régime à plusieurs conditions : 

  • Concernant les immobilisations financières non amortissables, l’entreprise doit s’engager à calculer la plus-value ou moins-value ultérieure de cession d’après leur valeur non réévaluée ;
  • Concernant les immobilisations corporelles amortissables, l’entreprise doit s’engager (i) à réintégrer l’écart de réévaluation dans ses bénéfices imposables à un rythme différencié par parts égales sur une période de 15 ans pour les constructions et sur une période de 5 ans pour les autres immobilisations, (2) à réintégrer la fraction de l’écart de réévaluation afférent à ce bien non encore réintégrée, en cas de cession et (3) à déterminer les amortissements et provisions de ces immobilisations sur la base de la valeur réévaluée de ces actifs.

Étalement de l’imposition de la plus-value réalisée sur les opérations de sale lease-back
Article 33 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

La plus-value réalisée par une entreprise à l’occasion d’une opération de cession d’un immeuble (sale), qui en conserve néanmoins la jouissance (lease back) en vertu d’un contrat de crédit-bail, peut être étalée par parts égales sur la durée de ce crédit-bail (dans la limite de 15 ans). L’immeuble cédé doit être affecté par la société cédante à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (sauf si le bien repris par la société en location est re-loué à une autre société liée qui l’affecte à son activité économique). L’objectif ici est d’éviter les opérations à finalité patrimoniale.

Dialectique de la preuve en présence de déficits antérieurs non déclarés
CE, 31 décembre 2020, n° 428297, SCI Calmes 

Il résulte d’une jurisprudence constante qu’il incombe toujours au contribuable de justifier de la réalité et du montant des reports déficitaires qu’il impute sur ses résultats. Le Conseil d’État a précisé l’étendue de la charge de la preuve pesant sur le contribuable. Dans l’hypothèse où le contribuable justifie l’existence d’un déficit et de son montant en produisant une comptabilité régulière et probante, il incombe alors à l’administration, si elle s’y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d’un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Le juge de l’impôt doit alors apprécier la valeur des explications respectives du contribuable et de l’administration.

Prise en compte des gains et des pertes de change pour déterminer les plus ou moins-value de cession de titres
CE, 28 septembre 2020, n° 438845, Securitas France Holding

A l’occasion de la cession de titres de participation libellée en devises étrangères, une entreprise avait constaté une perte de change liée à la variation du cours de cette devise. L’entreprise avait choisi fiscalement de suivre le traitement comptable et de scinder ces deux éléments de revenus en constatant une plus-value d’un côté, imposable selon le régime des plus-values à long terme et une perte de change de l’autre, déductible au taux de droit commun. La Cour administrative d’appel de Versailles avait censuré cette position en jugeant que les gains et les pertes de changes ne sont pas dissociables de la plus ou moins-value de cession et qu’ils sont donc à prendre en compte pour le calcul des plus ou moins-value (CAA Versailles, 19/12/2019, n° 17VE01521). Le Conseil d’Etat valide cette position.

Compte courant d’associé : détermination du taux d’intérêts déductible maximal au titre de 2020 

Le taux d’intérêt maximal déductible, par application de l’article 39, 1-3° du CGI, est égal à la moyenne du taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans, déterminé au titre de chaque trimestre
(BOI-BIC-CHG-50-50-30 § 70).

Les taux du 1er au 4ème trimestre s’élevant respectivement à 1,21%, 1,16%, 1,17%, et 1,17% ; le taux maximal d’intérêts déductibles de compte courant s’associés s’établit à 1,18% pour les entreprises dont l’exercice clos le 31 décembre 2020 coïncide avec l’année civile. 

II – FISCALITÉ INTERNATIONALE

Approbation de l’avenant à la Convention fiscale franco-luxembourgeoise
Loi n° 2021-68, 27 janvier 2021

La loi autorisant l’approbation de l’avenant signé le 10 octobre 2019 à la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 20 mars 2018 a été publiée au Journal Officiel. Cet avenant instaure, à compter du 1er janvier 2020, pour les revenus salariaux des frontaliers ainsi que pour les revenus immobiliers de source luxembourgeoise, un mécanisme d’élimination des doubles impositions en France, via un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français, sous réserve que les revenus en question aient été effectivement soumis à l’impôt au Luxembourg.

Communiqué relatif à la mise en œuvre de l’approche « Actifs incorporels difficiles à valoriser »
Communiqué OCDE, 16 décembre 2020

L’OCDE publie les informations fournies par quarante juridictions sur les règles mise en place, pour apprécier les transactions impliquant des actifs incorporels difficiles à valoriser. Pour rappel, l’Action 8 du Plan d’action BEPS invite les États à élaborer des règles de calcul spécifiques des prix de transfert ou des mesures spéciales applicables aux transferts d’actifs incorporels difficiles à valoriser afin d’empêcher l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices au moyen de transferts d’actifs incorporels entre les membres d’un même groupe. Pour mémoire, la France n’a pas mis en place de dispositif particulier à ce stade.

Précisions sur la notion d’établissement stable
CE, plèn. Fisc., 11 décembre 2020, n° 420174, min c/ Sté Conversant International Limited

Dans cette affaire jugée en assemblée plénière, une société irlandaise détenait, via un accord de licence, le droit de commercialiser en Europe les produits (marketing digital) de sa société mère américaine. En France, cette commercialisation passait par le recours aux services d’une filiale française liée, qui était en charge de présenter les produits à une clientèle d’annonceurs français et de « négocier » les termes du contrat élaborés par ses commerciaux. La filiale française ne disposait pas du pouvoir formel de signer les accords qui, une fois ces termes et conditions arrêtés, étaient envoyés à la société irlandaise pour signature.

Au regard des stipulations de la convention franco-irlandaise, une société résidente d’Irlande doit être considérée comme ayant un établissement stable en France si, notamment, elle a recours à une personne dépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l’engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres.

Au cas d’espèce, le Conseil d’État dans une approche plus pragmatique que formelle, constate que la signature des contrats par la société irlandaise était automatique de sorte qu’elle ne faisait qu’entériner les accords négociés par les salariés de la filiale française. Il en conclut que cette société française possédait en substance le pouvoir d’engager, de manière habituelle et routinière, la société irlandaise ce qui est le caractère essentiel d’un agent dépendant. Cette position est à rapprocher de la conception issue de l’article 12 de l’Instrument Multilatéral qui définit un agent dépendant comme celui qui joue le rôle principal dans la conclusion d’un contrat.

Financement intra-groupe et abus de droit
TA Montreuil, 19 nov. 2020, n°1709196, Howmet

Un jugement du Tribunal de Montreuil retient notre attention pour sa complexité et le recours à plusieurs techniques de fiscalité internationale permettant d’assurer le financement, par un groupe américain, d’activités en Espagne. La structuration de l’opération, via l’empilement entre la société mère américaine et la filiale espagnole d’entités situées en Suisse (statut de Swiss finance branch), en France (bénéfice du régime des sociétés mères) et en Belgique (déduction d’intérêts notionnels), avait été perçue par les autorités fiscales françaises comme constitutive d’un abus de droit. Cette qualification, qui n’avait pas été retenue par le Comité de l’abus de droit fiscal, est également écartée par le tribunal qui, pour justifier sa position, relève que la société française était rémunérée à des conditions de marché et que la société belge avait une réelle substance économique. Le Tribunal conclut que l’opération ne répondrait à un intérêt purement fiscal, même si comme le souligne le rapporteur public, il est « indéniable que des considérations fiscales ont été retenues également par les acteurs du montage. »

III – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Cession de titres d’une société à prépondérance immobilière, les immeubles par destination sont exclus de l’appréciation de la prépondérance immobilière
Cass. com. du 2 décembre 2020, n° 18-25.559 FS-PR

L’article 726, I-2° du CGI prévoit l’assujettissement, au taux de 5%, des cessions de participations détenues dans des personnes morales à prépondérance immobilière. Est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d’instruments financiers et dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France.

La Cour de cassation juge que les immeubles par destination (au cas d’espèce les installations techniques d’une centrale hydraulique : turbine, câble, armoire électrique) ne doivent pas être considérés comme des « immeubles » au sens des dispositions précitées, de telle sorte qu’ils ne peuvent être pris en compte pour déterminer si une personne morale est à prépondérance immobilière. Cette solution est favorable notamment pour le calcul des droits d’enregistrement.

Taxe de 3% : précisions sur la détermination du ratio de prépondérance immobilière
Cass. Com., 2 décembre 2020, n° 18-22.512, Sté Cacique Investmets Limited

Les entités juridiques, dont les actifs immobiliers situés en France représentent moins de 50% des actifs français détenus directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs entités juridiques, sont exonérées de la taxe de 3% (CGI, art. 990 E, 1-a).

Au cas d’espèce, la filiale française d’une société britannique, elle-même détenue à 50% par une société de Jersey, était propriétaire d’un immeuble en France. L’acquisition de cet immeuble avait été en partie financée par un prêt accordé par la société britannique à la société française. La société de Jersey considérait qu’elle n’entrait pas dans le champ de la taxe de 3% dès lors que la valeur de la créance détenue indirectement via sa filiale britannique, était supérieure à la valeur de l’immeuble de sorte que le ratio permettant d’apprécier la prépondérance immobilière était inférieur à 50%.

La Cour de cassation écarte cette position en considérant que la prise en compte de la créance reviendrait à n’imposer que les entités étrangères qui achèteraient directement un bien immobilier en France, à l’exclusion de celles qui en feraient l’acquisition par l’intermédiaire d’une société française, en gonflant artificiellement le dénominateur du ratio de prépondérance immobilière par toute créance en compte courant.

IV – TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Précisions sur le point de départ du délai de péremption en matière de droit à déduction
CE, 23 novembre 2020, n° 428497, Sté des Vignobles Marengo Pères et fils

Il résulte des dispositions de l’article 271 du CGI et de l’article 208, Ann. II au CGI, que le délai imparti pour réparer une omission de déclaration de la TVA déductible court à compter de la date d’exigibilité de la taxe chez le redevable et expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date à laquelle la déclaration devait être effectuée.

Lorsqu’un assujetti a omis de reporter le montant de la taxe déductible qu’il a déclaré dans les délais prévus, le délai de régularisation de son omission, à peine de péremption du droit à déduction, expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date limite à laquelle il devait déclarer ce premier report.

Déduction de la TVA sur les frais d’engagés par une holding mixte, en cas d’échec d’une opération d’acquisition
CJUE, 12 novembre 2020, aff. C-42/19

Conformément à une jurisprudence constante de la CJUE (CJUE, 16 juillet 2015, aff. C-108/14, Larentia + Minerva et Marevane Schiffahrt), une holding mixte peut déduire la TVA acquittée en amont sur les prestations de service et actes préparatoires acquis pour les besoins de la réalisation d’un projet d’acquisition de titres.

La CJUE précise que ce droit à déduction n’est pas affecté par la circonstance que l’opération d’acquisition envisagée n’a pas été finalement réalisée en raison d’évènements extérieurs à la volonté de la société holding.

Taux de TVA applicable aux opérations d’entremise
CE, 11 décembre 2020, n° 440587, Alliance professionnelle des agents commerciaux

Les opérations d’entremise effectuées par des intermédiaires transparents sont regardées comme des prestations de service. La base d’imposition de ces dernières n’est pas constituée par le montant de la transaction dans laquelle ils s’entremettent, mais par toutes les sommes reçues en contrepartie du service rendu.

S’agissant du taux applicable aux services d’intermédiation transparente, la pratique consistait jusqu’alors à appliquer le taux de TVA applicable à la transaction.

Le Conseil d’Etat juge que la rémunération versée à un intermédiaire transparent intervenant dans une livraison de biens ou dans une prestation de services soumise au taux réduit ou au taux intermédiaire ne peut pas bénéficier du taux applicable à cette opération, mais doit être soumise au taux normal.

V – FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Salariés impatriés et mobilité intra-groupe au regard de l’art. 155 B du CGI
CE, 22 déc. 2020, n° 427536

Au titre de l’article 155 B, I-1 du CGI, les salariés appelés de l’étranger à occuper temporairement un emploi dans une entreprise française, ne sont pas soumis à l’impôt à raison de leurs rémunération d’impatriation ou, sur option, et pour les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre État, à hauteur de 30% de leur rémunération.

Le Conseil d’État juge qu’un salarié ayant rompu tout lien juridique avec la société britannique d’un groupe avant de conclure un contrat à durée indéterminée avec la filiale française du même groupe, mais ayant bénéficié, lors de son embauche en France, d’une dispense de période d’essai ainsi que de la reprise intégrale de son ancienneté dans le groupe doit être regardé comme ayant fait l’objet d’une mobilité intra-groupe.

Il ne peut être regardé comme ayant fait l’objet d’un recrutement direct à l’étranger par une entreprise établie en France et ne peut, en conséquence, bénéficier de l’option en faveur de l’exonération de 30% prévue par l’article 155 B du CGI.

Application de la majoration de 25% sur les distributions occultes ou irrégulières soumises au PFU 
Article 39 de la loi de Finances pour 2021, n° 2020-1721

Les revenus mobiliers ayant fait l’objet d’une distribution occulte ou irrégulière, au sens des articles 109 et 111 du CGI, imposés au PFU à défaut d’option pour le barème progressif, sont désormais soumis à une majoration d’assiette de 1,25
(art. 200 A, 1-A-1° du CGI).

Plus-value immobilière : point de départ du délai de détention en cas de promesse synallagmatique de vente sans condition suspensive
CE, 29 décembre 2020, n° 428306

La date à retenir pour le transfert de propriété, et partant, pour la réalisation de la plus-value imposable, est déterminée par application des règles du droit civil, sauf disposition fiscale contraire.

La promesse synallagmatique de vente sans condition révèle le consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix, le transfert de propriété, qui détermine la date de réalisation de plus-value, est réputé avoir lieu à compter de la signature de la promesse.

VI – CONTRÔLE ET CONTENTIEUX FISCAL

Admissibilité des preuves issues de la commission d’un délit 
Cass. Com., 16 déc. 2020, n° 18-16.801

Pour démontrer la détention d’un compte non déclaré en Suisse, l’Administration a utilisé des données informatiques dérobées par un ancien informaticien salarié d’une filiale d’une banque suisse. Ces pièces ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de cet ancien salarié dans le cadre de l’exécution d’une commission rogatoire internationale délivrée à l’initiative des autorités judiciaires helvétiques.

Dès lors que la détention du compte non déclaré avait été porté à la connaissance de l’Administration dans l’exercice régulier de son droit de communication, le moyen relatif au caractère illicite de la preuve doit être écarté.

Création de l’examen de conformité fiscale (ECF)
Décret 2021-25 et Arrêté CCPE2035569A du 13 janv. 2021

L’ECF est une prestation contractuelle au titre de laquelle un prestataire s’engage en toute indépendance, à la demande d’une entreprise, à se prononcer sur la conformité aux règles fiscales des points prévus dans le chemin d’audit et selon le cahier des charges définis par l’arrêté, au titre d’un exercice fiscal. Le décret n’indique pas la qualité du prestataire. À cet égard, un communiqué ministériel précise que la prestation sera plus particulièrement réalisée par les professionnels du chiffre, du conseil et de l’audit (Communiqué n° 570 du 18 janv. 2021).

L’existence d’un ECF devra être mentionnée dans la déclaration de résultat souscrite par l’entreprise, afin de produire les effets d’une mention expresse exonératoire de l’intérêt de retard en cas de rappel ultérieur.

L’ECF doit porter sur les questions fiscales délimitées par le chemin d’audit comprenant, notamment :

  • La conformité du fichier des écritures comptables (FEC) au format défini à l’article 47 A-1 du LPF ;
  • La qualité comptable du FEC au regard des principes comptables ;
  • Le respect des règles sur le délai et le mode de conservation des documents ;
  • La validation du respect des règles liées  au régime d’imposition appliqué (régime simplifié, réel) en matière d’IS et TVA au regard  de la nature de l’activité et du chiffre d’affaires ;
  • Les règles de détermination des amortissements, provisions et charges à payer, et leur traitement fiscal ;
  • La qualification et la déductibilité des charges exceptionnelles ;
  • Le respect des règles d’exigibilité en matière de TVA.

Vos interlocuteurs en droit fiscal

Philippe de Guyenro & Olivier Goldstein, Avocats Associés 

T : 01 53 53 45 95 • M : 06 09 18 40 26 • pdeguyenro@rmt.fr
T : 01 53 53 44 27 • M : 06 25 18 44 34 • goldstein@rmt.fr