La Contribution pour la Justice Économique (CJE) : vers une justice payante ?

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28.01.2025

La mise en place de la Contribution pour la Justice Économique (CJE) marque une évolution significative dans la gestion des contentieux en France. Cet article explore les implications pratiques de cette contribution, son calcul et les réflexes à adopter pour les justiciables et les entreprises.

Une contribution due une seule fois, mais sous conditions

La CJE est due une seule fois par instance, mais plusieurs cas de figure doivent être distingués :

  • Lorsqu’un Président de Tribunal des Activités Économiques (TAE) saisi en référé renvoie l’affaire au juge du fond, la CJE n’est due qu’une seule fois.
  • Si un TAE déclare son incompétence au profit d’un autre TAE, la contribution n’est pas due une seconde fois.
  • En revanche, lorsqu’un Tribunal de Commerce (TC) ou un Tribunal Judiciaire (TJ) se déclare incompétent au profit d’un TAE, la CJE doit être acquittée.
  • Lorsqu’un TAE se déclare incompétent au profit d’une autre juridiction non économique, la CJE déjà versée ne sera pas remboursée.
  • Enfin, en cas de renvoi devant un TAE suite à une suspicion légitime ou une récusation d’un juge appartenant à une juridiction autre qu’un TAE, la CJE n’est pas due.

Montant de la contribution : un barème adapté

Le montant de la CJE varie en fonction de la capacité contributive du demandeur et de l’enjeu du litige :

Pour les personnes morales :

  • CA entre 50 et 1.500 M€ et bénéfice > 3 M€ : 3 % des prétentions (1.500 € min, 50.000 € max).
  • CA > 1.500 M€ et résultat > 0 : 5 % des prétentions (2.500 € min, 100.000 € max).

Pour les personnes physiques :

  • Revenu fiscal entre 250.000 € et 500.000 € : 1 % des prétentions (500 € min, 17.000 € max).
  • Revenu fiscal entre 500.000 € et 1 M€ : 2 % des prétentions (1.000 € min, 33.000 € max).
  • Revenu fiscal supérieur à 1 M€ : 3 % des prétentions (1.500 € min, 50.000 € max).

Modalités pratiques de paiement

Le demandeur doit fournir des justificatifs comptables permettant au Greffe de déterminer l’assujettissement et le montant de la CJE. Cette vérification peut allonger les délais, notamment dans les procédures d’urgence comme les référés.

Le paiement doit être effectué avant la première audience, sous peine d’irrecevabilité de la demande. Un délai de tolérance est accordé dans les premiers mois de l’expérimentation, mais le risque de renvoi d’audience pose des difficultés stratégiques.

La CJE est consignée sur un compte de dépôt jusqu’à trois mois après le jugement. En cas d’appel, cette période est prolongée.

En cas d’irrecevabilité de la demande prononcée par le Juge pour non-paiement de la CJE, le demandeur dispose alors d’un délai de 15 jours, à compter de la notification de cette décision d’irrecevabilité, pour solliciter la rétractation en justifiant du versement effectif de la CJE. Si cette demande en rétractation est rejetée, la décision peut faire l’objet d’un appel dans le même délai de 15 jours.

Dans l’hypothèse où le juge fait droit à la demande de rétractation, le greffe procède à la convocation des parties à la première audience utile, permettant ainsi la reprise de l’instance.

Conséquences pour les entreprises

En demande :

  • Le choix de la juridiction devient stratégique. Certains pourraient être tentés d’éviter les TAE pour ne pas payer la CJE.
  • Ce mécanisme favorise potentiellement le forum shopping.

En défense :

  • Le risque de devoir supporter la CJE pour la partie succombante incite les entreprises à considérer des modes alternatifs de résolution des conflits. La CJE est en effet traitée comme les dépens, dont la charge peut être in fine supportée par la partie qui succombe à l’instance.

En matière contractuelle :

  • Les clauses attributives de juridiction désignant un Tribunal de Commerce devenu un TAE doivent être revues pour anticiper les conséquences de la CJE.
  • Il peut être opportun de prévoir des clauses attributives de juridiction afin d’éviter le paiement de la CJE.

Remboursement de la CJE : un cadre restreint

La contribution peut être remboursée uniquement dans deux situations :

  • En cas de désistement du demandeur avant toute décision.
  • En cas de transaction amiable.

Si un doute sérieux existe sur la compétence de la juridiction saisie, le demandeur a tout intérêt à se désister plutôt que de risquer un jugement d’incompétence, qui rendrait la CJE définitivement acquise.