L’essentiel sur les Tribunaux des Activités Économiques et la Contribution pour la Justice Économique

  • Analyses
  • |
  • Contentieux commercial
15.01.2025

L’article 26 de la loi du 20 novembre 2023 instaure à titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter du 1er janvier 2025, les Tribunaux des Activités Économiques (TAE), en remplacement des Tribunaux de Commerce (TC). Cette expérimentation concerne 12 tribunaux répartis sur le territoire, de Paris à Saint-Brieuc, en passant par Lyon, Marseille et Limoges.

Une réforme expérimentale : la naissance des Tribunaux des Activités Économiques (TAE)

L’article 26 de la loi du 20 novembre 2023 instaure à titre expérimental, pour une durée de quatre ans à compter du 1er janvier 2025, les Tribunaux des Activités Économiques (TAE), en remplacement des Tribunaux de Commerce (TC). Cette expérimentation concerne 12 tribunaux répartis sur le territoire, de Paris à Saint-Brieuc, en passant par Lyon, Marseille et Limoges.

Deux comités encadrent cette réforme :

Le Comité de pilotage, chargé du suivi de l’expérimentation et de la formulation de recommandations.

Le Comité d’évaluation, dont la mission est d’analyser les résultats de cette réforme, notamment en examinant le taux de réformation des décisions.

Des compétences élargies pour les TAE

Les TAE voient leur champ de compétence s’élargir, notamment en matière de prévention et de procédures collectives. Désormais, ils traiteront :

  • Les dispositifs préventifs (conciliation, mandat ad hoc) et les procédures collectives applicables aux sociétés civiles, professions libérales, entreprises agricoles et associations.
  • Les litiges en matière de baux commerciaux liés à une procédure collective, à condition qu’il existe un lien de connexité suffisant avec celle-ci.

Ce dernier point soulève des interrogations :

  • La compétence du TAE est-elle exclusive ou partagée avec le Tribunal Judiciaire (TJ) ?
  • Un bailleur personne physique peut-il être assigné devant un TAE ?
  • Comment apprécier la connexité suffisante entre un bail commercial et une procédure collective ?

Selon la Présidente du TAE de Nanterre, la question à se poser est : le litige aurait-il eu lieu sans la procédure collective ? Si la réponse est non, alors le TAE est compétent.

La Contribution pour la Justice Économique (CJE) : une réforme controversée

L’article 27 de la loi du 20 novembre 2023 instaure une Contribution pour la Justice Économique (CJE), une taxe applicable aux contentieux portés devant les TAE. Son objectif ?

  • Lutter contre les recours abusifs et dilatoires.
  • Responsabiliser les parties dans l’engagement des procédures.
  • Favoriser le règlement amiable des litiges.
  • Doter la justice de moyens financiers supplémentaires.
  • Aligner la justice économique française sur les systèmes européens, où la gratuité est rare.

Un dispositif attaqué en justice
Cette contribution a suscité une vive opposition. Certains y voient une atteinte au principe de gratuité de la justice et d’égalité devant la loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel, saisi le 16 novembre 2023, a validé le dispositif en arguant qu’il s’agissait d’une conséquence légitime d’une expérimentation autorisée par l’article 37 de la Constitution.

Le décret d’application, publié le 30 décembre 2024, a suscité de vives réactions :

  • Son entrée en vigueur précipitée (48 heures plus tard) a pris de court les greffes, entraînant des renvois d’affaires.
  • Le Conseil national des barreaux (CNB) et l’Ordre des avocats du Barreau de Paris ont annoncé des recours contre la CJE devant le Conseil d’État, dénonçant une atteinte aux principes de sécurité juridique et d’équité.

Qui est assujetti à la CJE ?

La CJE concerne tous les demandeurs introduisant une action devant un TAE, sauf exception :

  • Sont exemptés : le ministère public, l’État, les collectivités locales et organismes publics de coopération.
  • La contribution s’applique aux personnes morales et aux personnes physiques employant plus de 250 salariés, dès lors que le montant des prétentions dépasse 50 000 €.

La circulaire du 6 février 2025, prise par le Ministère de la justice, a précisé que ce critère s’appliquait bien aux personnes physiques, soulevant des interrogations, car une personne physique employant plus de 250 salariés est une hypothèse rare.

Quelles demandes sont concernées ?

La CJE s’applique aux demandes initiales, mais exclut :

  • Les demandes incidentes (additionnelles, reconventionnelles, interventions forcées ou volontaires).
  • Les recours en opposition, tierce opposition, révision, modification ou rétractation d’une ordonnance.
  • Les demandes liées à une procédure amiable ou collective.

La question de la saisine du Président du TAE a suscité un débat :

  • Certains estimaient que la CJE ne s’appliquait qu’au tribunal, pas à son Président (excluant ainsi les référés et requêtes).
  • Or, dès janvier 2025, les TAE de Paris et Nanterre ont exigé son paiement, entraînant des reports d’audience.
  • La circulaire du 6 février 2025 a confirmé que la CJE s’appliquait bien aux référés et injonctions de payer.

Quelles conséquences pour les justiciables ?

L’instauration des TAE et de la CJE modifie profondément l’accès à la justice économique :

  • Complexité accrue : Les justiciables doivent anticiper leur assujettissement à la CJE et fournir les justificatifs nécessaires.
  • Charge financière nouvelle : Certaines entreprises pourraient être dissuadées d’intenter une action en raison de cette contribution.
  • Effets stratégiques : La possibilité de contourner la CJE en saisissant une autre juridiction (JEX, Tribunal Judiciaire) pose la question du forum shopping.