Les conditions de qualification du transfert d’entreprise : une analyse de la CJUE

  • Revue de presse
  • Droit public des affaires
22.06.2020

De nouvelles précisions sur le « transfert d’entreprise » dans le cadre de la passation d’un marché public de transport de voyageurs

CJUE, 27 février 2020, Reiner Grafe, Jüren Pohle c. Südbrandenburger Nahverkehrs GmbH, OSL Bus GmbH, aff. C-298/18

La Cour de justice de l’Union Européenne a récemment précisé les conditions dans lesquelles la reprise d’une activité de transport public de voyageurs par autobus peut être qualifiée de « transfert d’entreprise »

Pour qualifier un transfert d’entreprise, les juridictions nationales doivent apprécier si l’entité économique transférée conserve son identité au regard d’un faisceau d’indices prenant en compte, notamment, le transfert d’éléments corporels, la valeur des éléments incorporels au moment du transfert, la reprise de l’essentiel des effectifs, le transfert de la clientèle, ou encore le degré de similitude des activités exercées. Le caractère déterminant de ces éléments d’appréciation varie en fonction de l’activité exercée ainsi que des méthodes de production ou d’exploitation utilisées dans l’entreprise.

S’agissant spécifiquement de la reprise d’une activité de transport public de voyageurs par autobus dans le cadre du renouvellement d’un marché public, la Cour avait déjà considéré que la qualification d’un transfert d’entreprise ne pouvait reposer essentiellement sur la reprise de la main d’œuvre dans la mesure où les actifs corporels utilisés pour l’exploitation des lignes, en particulier les autobus, contribuent de manière importante à l’exercice de l’activité. Ainsi, la seule reprise d’une partie du personnel ne pouvait suffire à caractériser un transfert d’entreprise.

Dans la décision ici commentée, la CJUE précise que la reprise des moyens d’exploitation ne doit pas pour autant être considérée comme le seul facteur déterminant pour qualifier un transfert d’entreprise. L’absence de transfert des moyens d’exploitation qui résulte de contraintes juridiques, environnementales ou techniques, ne fait pas nécessairement obstacle à la qualification d’un transfert d’entreprise.

En l’espèce, la décision du nouvel opérateur de ne pas reprendre les autobus était dictée par des contraintes extérieures, ces derniers ne respectant plus les exigences (notamment environnementales) du pouvoir adjudicateur. Il y a ainsi lieu pour la juridiction nationale de tenir compte d’autres circonstances de fait pour apprécier l’existence d’un transfert d’entreprise, dont notamment la reprise de l’essentiel des conducteurs par le nouvel exploitant, leur affectation à des tâches identiques ou similaires et leurs qualifications et compétences spécifiques indispensables à la poursuite, sans interruption, de l’activité économique.

La qualification d’un transfert d’entreprise doit ainsi faire l’objet d’une analyse précise au regard d’un ensemble de circonstances. Selon les circonstances de la reprise d’activité, le transfert des moyens humains ou le transfert des moyens d’exploitation peuvent, chacun, constituer un élément déterminant pour qualifier un transfert d’entreprise, et conduire au transfert des contrats de travail en cours.

L’équipe Droit public des affaires intervient en conseil et en contentieux auprès des acteurs publics nationaux ou locaux et de leurs partenaires privés industriels et financiers.