Décryptage - Reconnaissance de l’État palestinien : peut-on pavoiser les mairies ?
Le 22 septembre, la France a officiellement reconnu l’État palestinien. À la suite de cette annonce, plusieurs responsables politiques ont appelé les mairies à hisser le drapeau palestinien en signe de solidarité. Mais une question demeure : ce geste est-il compatible avec le principe de neutralité des services publics ?
Un sujet au croisement du droit et de la politique
Le 22 septembre 2025, la France a officiellement reconnu l’État palestinien. Dans la foulée, plusieurs responsables politiques ont invité les maires à hisser le drapeau palestinien sur les façades des mairies, en signe de solidarité.
Mais cette initiative soulève une question de droit public essentielle : les mairies peuvent-elles légalement afficher le drapeau palestinien après cette reconnaissance officielle ?
La réponse, selon la jurisprudence administrative, demeure négative.
Le principe de neutralité des services publics : un socle juridique constant
Le principe de neutralité est l’un des piliers du droit administratif français. Il impose aux services publics de s’abstenir de toute manifestation politique, religieuse ou philosophique.
Le Conseil d’État a fixé cette règle dès l’arrêt du 27 juillet 2005 (n°259806), considérant que le pavoisement d’un bâtiment public d’un drapeau étranger exprimant un soutien politique constituait une atteinte au principe de neutralité.
Depuis lors, ce principe a été réaffirmé à de nombreuses reprises, notamment dans des affaires récentes concernant :
- le drapeau israélien (TA Nice, ord., 25 juin 2025)
- le drapeau palestinien (CE, ord., 16 septembre 2025 ; TA Lille, ord., 8 août 2025)
Dans ces décisions, les juges rappellent que l’apposition d’un drapeau étranger constitue une prise de position politique sur un conflit en cours, incompatible avec l’impartialité du service public.
Une jurisprudence claire : pas de dérogation pour le drapeau palestinien
L’analyse de notre associé Lionel Levain, citée dans Actu-Juridiques.fr (État de Palestine et pavoisement des mairies : gare au principe de neutralité !), met en évidence plusieurs points saillants :
- Symbole politique : le drapeau palestinien est considéré par les tribunaux comme l’expression d’une prise de parti dans un conflit international.
- Solidarité n’est pas neutralité : même si une commune invoque un geste humanitaire, les juges estiment que l’affichage traduit nécessairement un soutien politique.
- Constance de la jurisprudence : la reconnaissance par la France de l’État palestinien ne modifie pas cette analyse. Le Conseil d’État et plusieurs tribunaux administratifs ont déjà rappelé que le positionnement diplomatique de l’État n’autorise pas les collectivités locales à s’affranchir de la neutralité.
Ainsi, le pavoisement d’une mairie avec le drapeau palestinien reste juridiquement interdit, même en cas d’alignement apparent avec la politique étrangère française.
Quels risques pour les mairies ?
Un maire décidant d’arborer un drapeau étranger en soutien à une cause politique s’expose à plusieurs conséquences :
- Recours en référé : toute personne intéressée (citoyen, association) peut saisir le tribunal administratif pour obtenir le retrait immédiat.
- Suspension judiciaire : la plupart des ordonnances récentes ordonnent le retrait sous 48 heures.
- Atteinte à la neutralité : un tel geste peut être qualifié de manquement aux obligations de neutralité et d’impartialité, engageant la responsabilité de la collectivité.
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