Data centers : nouvelles obligations de reporting environnemental entrées en vigueur le 1er octobre 2025
Dans un contexte où l’essor fulgurant des centres de données contribue à la fois à la croissance numérique et aux enjeux climatiques, l’Union européenne et les Etats Membres renforcent leur cadre réglementaire, cherchant à concilier efficacité énergétique, transparence environnementale et compétitivité. Les centres de données sont en effet devenus un enjeu particulier : en 2018, ils représentaient 2,7 % de la demande d’électricité de l’UE, chiffre qui devrait atteindre 3,21 % en 2030 (soit, sur la base de la consommation brute d’électricité de l’UE en 2023, une part équivalente à la consommation électrique annuelle de la Belgique) si la progression se poursuit au rythme actuel.
Face à cette croissance rapide et à l’empreinte environnementale du numérique, l’UE entend rendre le secteur plus durable, transparent et efficace sur le plan énergétique, en imposant aux exploitants de centres de données des obligations de suivi, de publication et d’amélioration de leurs performances énergétiques et environnementales. Au-delà de la conformité réglementaire, ces obligations posent des questions stratégiques. Le reporting de durabilité devient un facteur de compétitivité, influant sur la réputation ESG des acteurs et leur capacité à attirer clients et investisseurs.
Le marché des data centers connaît une dynamique d’investissement soutenue : nombreux sont les acteurs qui souhaitent acheter un data center, profiter de la hausse de la demande en capacité de calcul et des besoins renforcés issus de la transformation numérique en cours. Cette tendance d’acquisition renforce l’importance pour tout acteur de ce secteur de maîtriser non seulement les dimensions techniques et opérationnelles, mais aussi les risques juridiques afférents (contrats, urbanisme, fiscalité, conformité) tels que ceux exposés dans cette présentation.
En cette rentrée, les opérateurs français de centres de données seront attentifs à la publication du décret pris en application de l’article 25 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 (voir le texte) portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (la « Loi DDADUE ») transposant la règlementation européenne en droit français, et dont l’entrée en vigueur a été fixée au 1er octobre 2025 (le « Décret d’Application »), ainsi que des arrêtés ministériels connexes, en ce qui concerne notamment leurs obligations de reporting environnemental.
Comme nous le verrons ci-dessous, les enjeux du Décret d’Application et des arrêtés ministériels sont lourds, compte tenu de la multiplication des textes applicables, des calendriers d’entrée en vigueur décalés des différents textes, des imbrications avec les obligations déclaratives existantes, et des spécificités du modèle économique des centres de données.
Le cadre juridique européen et sa transposition
Cet objectif de contrôle de l’impact énergétique des centres de données se traduit par trois textes encadrant les obligations déclaratives applicables aux opérateurs de centres de données, à savoir :
- en droit européen :
- La directive (UE) 2023/1791 (voir le texte) dite Energy Efficiency Directive (la « Directive EED »), qui instaure une obligation de déclaration annuelle des informations clés – consommation énergétique, utilisation de chaleur fatale, eau, énergies renouvelables, etc. – pour les centres de données dépassant une puissance informatique de 500 kW (à savoir, les datacenters de type industriels). Cette transparence vise à fonder un système de notation européen de durabilité, tendant à inciter ce secteur énergivore à diminuer son empreinte environnementale globale. Ce système a également pour objet de fournir des données fiables à la Commission et aux Etats Membres en vue de mesurer l’évolution de l’impact énergétique du marché, ainsi que de pouvoir mieux cibler les politiques énergétiques à mettre en œuvre et à permettre une planification éclairée en matière énergétique ;
- Le règlement délégué (UE) 2024/1364 (le « Règlement Délégué »), adopté le 14 mars 2024 (voir le texte), qui précise les indicateurs de performance à déclarer (KPIs) ainsi que les méthodes de calcul de ces indicateurs applicables à tous les centres de données concernés par ces obligations de reporting. Il détaille les modalités de transmission des données via des interfaces nationales ou directement à la base de données européenne au plus tard le 15 mai de chaque année, conformément à la Directive EED ;
- en droit français, la Loi DDADUE citée ci-dessus, transposant la Directive EED en droit interne.
Des calendriers d’entrée en vigueur distincts
Les premières campagnes de reporting ont constitué un véritable défi pour les exploitants de centres de données.
Lors des deux premiers exercices, menés en 2024 et 2025 (au titre des données des années 2023 et 2024), les opérateurs français ont dû appliquer directement les modalités fixées par le Règlement Délégué. Faute de transposition de la Directive EED en droit national à ce stade, la transmission des informations requises est intervenue exclusivement via la plateforme européenne de collecte.
Le calendrier a accentué les difficultés. Initialement prévue pour le 15 mai 2024 par la Directive EED, la première échéance a été repoussée au 15 septembre 2024 par le Règlement Délégué. Pourtant, la plateforme européenne n’a été rendue accessible que le 6 septembre 2024, soit à quelques jours seulement de la date limite.
À ces contraintes s’est ajoutée l’obligation pour les exploitants de répondre parallèlement aux campagnes de collecte de l’ARCEP, prévues par le Code des postes et des communications électroniques, dont le scope a été progressivement révisé afin d’aligner les KPIs à déclarer avec ceux visés par la Directive EED et le Règlement Délégué. Ainsi, en 2024 et 2025, les opérateurs ont dû mener deux campagnes déclaratives distinctes chaque année, l’une au niveau européen et l’autre au niveau national, d’autant plus que les campagnes de collectes mises en place par l’ARCEP concernent un parc de centres de données plus larges, à savoir ceux « dont le chiffre d’affaires en France est égal ou supérieur à 10 millions d’euros hors taxes ou dont la demande de puissance des technologies de l’information installées est supérieure ou égal à 100 kW » (ce qui englobe les « petits » centres de données non concernés par le reporting européen).
Un des enjeux de l’entrée en vigueur de la Loi DDADUE au 1er octobre 2025 et de la publication du Décret d’Application, consiste, dans un tel contexte, à assurer une articulation plus claire entre les obligations déclaratives découlant du droit européen et les obligations préexistantes du droit français pour les prochaines campagnes de reporting.
De premiers éléments de réponse dans le projet de Décret d’Application
Presented by the Ministry for the Economy, Finance, and Industrial and Digital Sovereignty, the Draft Implementing Decree results from consultations with stakeholders in the data center industry.
It notably provides that:
- For data center operators as defined by the Postal and Electronic Communications Code (i.e., entities providing third parties with data-storage infrastructure and equipment), data will be transmitted directly to ARCEP, which will in turn forward them to the EU platform required by the EED Directive;
- For colocation or co-hosting data centers (where clients own and manage their own servers, networks, or storage devices housed within the facility), the responsibility for data transmission shifts to the client;
- Information and KPIs on energy and environmental performance will be made publicly available, with declarants allowed to withhold data protected under “national or EU law safeguarding trade and business secrets.”
Conclusion
Le futur Décret d’Application et ses arrêtés connexes seront décisifs pour stabiliser le cadre du reporting environnemental des centres de données. Si l’instabilité politique fait peser un risque de retard, ces textes offrent aussi l’occasion de transformer une contrainte réglementaire en atout stratégique. En apportant transparence et crédibilité ESG, ils peuvent renforcer la compétitivité et l’attractivité des opérateurs français, à condition que leur publication intervienne à temps pour la campagne 2026.
La montée en puissance des exigences environnementales renforce la structuration du marché des data centers et influence directement les stratégies d’investissement et d’exploitation. Les acteurs souhaitant acheter un data center ou développer de nouvelles infrastructures doivent désormais intégrer ces obligations dès la phase d’acquisition ou de financement.
Anticiper ces contraintes juridiques, fiscales et réglementaires devient un facteur clé de compétitivité dans un secteur où performance énergétique, conformité et attractivité économique sont étroitement liées.