Management packages : comprendre (enfin) le nouveau régime fiscal

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31.03.2025

“Si vous avez compris le nouveau régime manpack, c’est qu’on vous l’a mal expliqué.” La formule fait sourire, mais elle résume bien l’état d’esprit dans lequel se trouvent de nombreux professionnels depuis l’entrée en vigueur de l’article 163 bis H du Code général des impôts, introduit par la loi de Finances pour 2025.

Pendant des années, les management packages en France évoluaient dans une zone grise juridique et fiscale. Les dirigeants bénéficiant d’instruments d’intéressement en capital s’exposaient souvent au risque de voir leurs plus-values requalifiées en revenus d’emploi, entraînant des taux d’imposition supérieurs à 60 % au lieu du taux standard de 34 %.

Cette incertitude a conduit à des contrôles et à des contentieux, comme détaillé dans une analyse récente publiée par Pierre Bonamy pour l’IBA en avril 2025 (voir l'article).
Avec la loi de finances 2025, cette incertitude est enfin levée. Un nouveau cadre juridique - l’article 163 bis H du Code général des impôts - instaure un régime clair et prévisible pour l’imposition des gains issus des management packages. Voici ce que vous devez savoir en tant que dirigeant ou cadre.

Cette analyse a évolué et fait l’objet d’autres articles complémentaires :
Management Packages : les commentaires du BOFiP enfin publiés

Un cadre clair pour mettre fin à l’incertitude

Historiquement, la qualification du gain en capital ou en salaire dépendait de critères factuels complexes : conditions de performance, clauses contractuelles, allocation des risques, etc. Même des instruments réputés sûrs (par exemple, attributions gratuites d’actions ou options) étaient examinés lorsque des mécanismes de « ratchet » gonflaient les gains (voir les détails).

Désormais, tous les instruments de management sont couverts - qu’ils soient légaux (AGA, BSPCE, stock-options) ou sur mesure (bons de souscription, actions de préférence) - sous une règle unifiée (voir les détails).

L’approche est binaire :

  • Les gains en dessous d’un seuil défini sont imposés comme plus-values à environ 34 %.
  • Les gains excédentaires sont imposés comme revenus d’emploi aux taux progressifs (jusqu’à 45 %) plus une contribution sociale spéciale de 10 %.

La réforme ne remet pas en cause les régimes fiscaux spécifiques applicables aux attributions gratuites d’actions (AGA), aux stock-options et aux BSPCE.

Les gains afférents à ces instruments demeurent soumis à leurs règles propres au stade de l’attribution ou de l’exercice, notamment en matière d’imposition et de charges sociales. Le nouveau régime des management packages n’a vocation à s’appliquer qu’au gain réalisé lors de la cession ultérieure des titres issus de ces dispositifs.

Mode de calcul du seuil

Le seuil au-delà duquel les gains sont imposés comme salaire est déterminé comme suit :
Seuil = prix d’achat × valeur de sortie / valeur d’entrée – prix d’achat

Où :

  • Valeur de sortie = valeur vénale de la société émettrice à la date de cession des titres ou de tout événement assimilé, après ajustement de la dette ;
  • Valeur d’entrée = valeur vénale de la société émettrice à la date d’acquisition, de souscription ou d’attribution des titres, après ajustement de la dette ;
  • Prix d’achat = prix effectivement payé par le salarié ou le dirigeant pour acquérir ou souscrire les titres (pour les actions gratuites, il s’agit de la valeur cristallisée à la fin de la période d’acquisition, telle que déclarée aux fins sociales).

Les valeurs d’entrée et de sortie doivent être ajustées de la dette : la valeur vénale de la société doit être augmentée des dettes envers les actionnaires ou sociétés liées (au sens de l’article 39, 12 du CGI). Les dettes créées après l’acquisition sont réputées exister dès cette date pour la valeur d’entrée.

Exemple :
Un manager reçoit un package en contrepartie de fonctions salariées. À la réception, la société vaut 100 M€. À la sortie, elle vaut 200 M€. Il a investi 100 K€ et sort pour 1 M€, soit un gain de 900 K€.
Le seuil est égal à 500 K€, soit 100 K€ × 2 × 3 – 100 K€, où 2 est le multiple de la société.
Ainsi, 500 K€ sont traités comme plus-value et les 400 K€ restants comme salaire.

Un nouveau cadre législatif : article 163 bis H du Code général des impôts

Initialement, les praticiens considéraient que les instruments légalement reconnus – tels que les actions gratuites (AGA) et les options ou bons (y compris BSPCE) – étaient sûrs. La logique était la suivante : l’administration fiscale ne pouvait invoquer le lien avec les fonctions salariées ou de management pour requalifier les gains, ce lien étant une condition légale d’attribution.

Cependant, ces dernières années, des contrôles ont visé ces instruments (notamment AGA) lorsque les actions sous-jacentes comportaient des mécanismes de « ratchet » entraînant une forte accrétion des droits financiers des managers en cas de performance.

L’absence de cadre légal clair a généré une insécurité juridique et une hausse des contrôles et contentieux. Pour y remédier, la loi de finances 2025 introduit un cadre codifié à l’article 163 bis H du CGI, applicable dès le 15 février 2025.

Cette réforme crée un régime dédié aux gains réalisés sur des titres acquis ou attribués en contrepartie de fonctions salariées ou de management (dans la société émettrice, ses filiales ou sa société mère).

Champ d’application : tous les instruments sont pris en compte

Le champ est volontairement large : il couvre les principaux instruments habituellement utilisés dans les management packages - qu’ils soient intégrés à des plans légaux (AGA, stock-options, BSPCE) ou conçus sur mesure (bons, actions de préférence, etc.).

Les instruments légaux conservent leur traitement spécifique à l’attribution ou à l’exercice, mais le nouveau régime s’applique à la plus-value lorsque celle-ci est liée aux fonctions et dépasse un seuil.

Une philosophie claire : la certitude plutôt que le contentieux

Le nouveau régime remplace l’ambiguïté par une approche binaire :

  • Jusqu’à trois fois « le multiple de performance », le gain est une plus-value imposée à taux forfaitaire (environ 34 %) ;
  • Au-delà, l’excédent est traité comme salaire, soumis à l’impôt progressif (jusqu’à 45 %), à la contribution sur hauts revenus (jusqu’à 4 %) et à une contribution sociale spéciale de 10 % (hors charges patronales).

Ce régime vise la sécurité juridique. Auparavant, les contribuables devaient démontrer - souvent sans succès - que le gain était déconnecté de leurs fonctions.

Désormais, pas d’analyse factuelle complexe : soit le seuil n’est pas dépassé et le gain est une plus-value, soit il l’est et le gain est scindé.

À noter : la taxation en plus-value suppose un risque réel de perte pour le manager. Une formule garantissant un prix minimum entraîne la taxation intégrale en salaire.

Critiques de certains acteurs du private equity

Certains acteurs auraient souhaité conserver la possibilité de qualifier un package en pure plus-value, quelle que soit la performance.

Cette stratégie devient risquée et peu nécessaire : le seuil « trois fois le multiple » offre déjà un potentiel significatif.

La question du contexte transfrontalier

En cas d’instruments émis en contexte international (options, AGA, BSPCE), les recommandations OCDE et les lignes françaises imposent un partage :

  • Gain à l’exercice : revenu d’emploi (article 15 du Modèle OCDE) ;
  • Gain à la cession : plus-value (article 13 ou 21 du Modèle OCDE).

Reste la question : la part au-delà du seuil doit-elle être imposée comme salaire à la source ou comme plus-value dans l’État de résidence ?

Choisir la première option peut créer des conflits de qualification et une double imposition ; la seconde peut vider le régime de son sens.

Même incertitude pour l’« exit tax » : elle s’applique aux plus-values latentes, mais pas à la fraction qualifiée en salaire. Que devient cette part lors du départ du bénéficiaire ?

Bercy a indiqué que l’intégralité du gain - y compris la tranche au-delà du seuil - serait traitée comme revenu d’emploi. Une confirmation écrite est attendue en mai 2025.

Des frictions subsisteront : certains États taxent ces gains en capital, générant des risques de double imposition.

Régime de report : un point de douleur majeur en cours de résolution

L’article 163 bis H exclut le report d’imposition pour la part salariale.

Les articles 150-0 B et 150-0 B ter prévoient un report en cas d’apport en nature (échange de titres).
Le texte autorise le report pour la part en plus-value, mais la part salariale reste immédiatement imposable, même sans liquidité — problème aigu en LBO.

Des discussions laissent espérer une extension du report à la part salariale, avec effet rétroactif au 15 février 2025.

Sécurité sociale : une charge pour le manager et un risque pour l’entreprise

Le régime exonère l’employeur des charges classiques mais instaure une contribution spéciale de 10 % à la charge du manager.

En cas de contestation et redressement, l’employeur pourrait subir un rappel intégral des cotisations, pénalités et intérêts.

Des clauses contractuelles doivent imposer le respect du régime et la déclaration correcte de la part salariale.

Conclusion : une avancée bienvenue

Cette réforme marque un progrès pour la fiscalité des management packages. Malgré des zones techniques à clarifier, la philosophie — prévisibilité plutôt que subjectivité — mérite d’être saluée par les investisseurs et dirigeants internationaux.