La gouvernance, levier d’attractivité pour les petites et moyennes capitalisations

  • Analyses
  • Corporate – M&A
05.11.2025

La pratique montre qu’une fois introduites en bourse, les PME-ETI gagnent à continuer de s’inspirer de certaines méthodes du venture capital et du private equity en matière d’organisation du conseil d’administration, d’intéressement des dirigeants, de relations-investisseurs ou encore de processus de levée de fonds ou d’ouverture du capital à des investisseur. Elles doivent en même temps les conjuguer avec leurs spécificités de sociétés cotées.

Cet article est initialement paru dans la revue Option-Finance (voir l'original)

Les débats sur la sous-valorisation structurelle des petites et moyennes capitalisations, sur leur accès limité au financement, ainsi que sur le manque d’attractivité de la bourse pour les PME-ETI, reviennent régulièrement sur le devant de la scène.

Face à ces préoccupations, les acteurs de la place de Paris appellent à des réformes visant à favoriser les introductions en bourse et mieux orienter l’épargne vers les PME-ETI cotées (qui représentent tout de même plus de 500 sociétés cotées en France) en simplifiant leur environnement réglementaire et fiscal.

Au-delà des dimensions financière et réglementaire, un autre levier s’impose au regard de la pratique : la qualité de la gouvernance. Les études économiques montrent que la gouvernance n’est pas qu’une question de conformité : elle constitue un facteur clé de création de valeur, agissant sur la confiance des investisseurs, (par exemple en cas d’ouverture du capital) et, in fine, l’accès aux capitaux et la valorisation boursière.

Il est en même temps admis — et reconnu par les référentiels de gouvernance comme le code Middlenext — qu’une PME-ETI ne peut pas être tenue d’organiser sa gouvernance comme une grande entreprise.

Ces sociétés se distinguent en effet par plusieurs caractéristiques : elles n’ont pas toujours les moyens de faire fonctionner un conseil d’administration élargi, ni de multiplier les comités spécialisés comme le préconise le code Afep-Medef pour les grands groupes. Leur performance dépend largement de l’engagement de leurs fondateurs. Elles doivent enfin concilier les exigences de protection des actionnaires minoritaires avec le maintien d’une réactivité maximale en matière de financement.

Pour autant, on observe qu’en matière de gouvernance, les sociétés non-cotées adoptent certaines pratiques inspirées des sociétés cotées à mesure que leurs tours de table s’élargissent à des investisseurs financiers : reporting et transparence accrue et procédures de gestion des conflits d’intérêts, notamment.

Or, l’inspiration œuvre aussi dans l’autre sens. Les PME-ETI cotées, en réponse à des critiques récurrentes, gagnent en effet à observer certaines pratiques de gouvernance de leurs équivalents non cotés — et, bien souvent, de leur propre vécu pré-IPO — sur plusieurs aspects essentiels.

  • On observe souvent le recours excessif aux attributions gratuites d’actions avec des critères de performance insuffisants, en contradiction les codes de gouvernance.

    Hadrien Bourrellis, associé, Corporate - M&A et Droit Boursier

Indépendance et rôle actif des administrateurs

Dans le monde du capital-investissement, les administrateurs sont en partie désignés par les investisseurs financiers. Ces derniers exercent un contrôle stratégique effectif et un suivi opérationnel régulier, sans hésiter à porter un regard critique sur les projets de la direction.

À l’inverse, dans beaucoup de petites sociétés cotées non-contrôlées, les administrateurs sont choisis par la direction elle-même, ce qui peut créer un risque de connivence (du moins, en apparence) ou les réduire à un rôle de surveillance, même si les critères d’indépendance sont respectés. Des dirigeants exécutifs y occupent en outre plus fréquemment des sièges d’administrateur sans justification au regard des circonstances.

L’intérêt de leurs dirigeants va donc croissant pour des personnalités extérieures et reconnues (liées ou non à des actionnaires) capables d’apporter une valeur ajoutée stratégique, faisant au passage de cette démarche un axe de communication pour le marché. De même, les sociétés de croissance cotées proposent désormais habituellement à leurs principaux investisseurs des postes de censeurs inspirés des board observers courants dans les start-ups non cotées.

Alignement d’intérêts avec les dirigeants

Dans les sociétés non-cotées financées par des fonds d’investissement, le management package est la norme : BSPCE, actions de préférence, etc. Ces instruments d’alignement d’intérêts sont cependant encadrés par des conditions de présence et de performance strictes.

Dans les PME-ETI cotées, faute d’outils parfaitement équivalents ou de liquidités suffisantes pour verser des rémunérations variables, on observe souvent le recours excessif aux attributions gratuites d’actions avec des critères de performance insuffisants, en contradiction les codes de gouvernance.
Cependant, leurs conseils d’administration, qui doivent rester vigilants sur ces dispositifs d’intéressement dilutifs, savent désormais faire preuve de créativité pour répliquer les mêmes incitations que dans le private equity, notamment à travers des actions de performance ou un actionnariat direct des dirigeants.

Relations proactives avec les investisseurs

Dans le monde du non coté institutionnel, les dirigeants cultivent un dialogue constant avec leurs investisseurs, y compris avec ceux qui ne siègent pas au conseil d’administration. À l’inverse, dans une PME-ETI cotée, le dialogue actionnarial se réduit parfois à une assemblée générale annuelle et, au mieux, une ou deux présentations aux analystes par an. Les actionnaires minoritaires, quant à eux, peinent souvent à obtenir la moindre visibilité ou un levier d’influence opérationnel — sauf à adopter une posture activiste.

Une PME-ETI introduite en bourse doit donc dépasser l’anonymat du marché et la passivité de nombreux actionnaires en adaptant sa relation avec ses investisseurs de façon proactive. Pour y parvenir, elles délaissent les traditionnelles grand-messes trimestrielles (réservées aux grands groupes) au profit d’échanges ciblés et bilatéraux avec leurs actionnaires clés, tout en veillant à respecter le cadre réglementaire (lutte contre les abus de marché, égalité d’information) et les prérogatives du conseil d’administration.

  • On observe ainsi désormais de nombreuses opérations auprès d’investisseurs issus du capital-investissement qui offrent des alternatives adaptées aux sociétés cotées en croissance, qu’il s’agisse de levées de capital ou de solutions de financement par la dette.

    Hadrien Bourrellis, associé en Corporate - M&A et Droit boursier

Discipline dans les processus de levées de fonds

Pour se financer, certaines PME-ETI cotées recourent à des montages complexes qui prennent notamment la forme de programmes d’augmentation de capital par exercice d’options (PACEO), souvent mis en place en réponse à un besoin de trésorerie urgent, faute d’alternatives (crédit ou émission d’actions).

Ces montages présentent plusieurs limites : fortement dilutifs pour les actionnaires, ils dégradent la lisibilité du capital et exercent une pression baissière sur le cours de bourse. L’AMF a d’ailleurs alerté à plusieurs reprises sur ces risques. En l’occurrence, un arrêt de la Cour de cassation du 9 juillet 2025 a rappelé que ces instruments peuvent être contestés juridiquement.

En dehors de la bourse, les instruments hybrides sont différents : obligations convertibles, BSA « Air » ou prêts d’associés capitalisables, tous permettant d’apporter de la flexibilité au financement sans compromettre les levées de fonds futures. Surtout, les processus de levée de fonds sont plus structurés et coordonnés avec toutes les parties.

Or, ces processus ne sont pas incompatibles avec le statut de société cotée. Ils exigent simplement une certaine discipline dans l’anticipation et le respect des contraintes spécifiques de gouvernance, de calendrier et de communication. On observe ainsi désormais de nombreuses opérations auprès d’investisseurs issus du capital-investissement qui offrent des alternatives adaptées aux sociétés cotées en croissance, qu’il s’agisse de levées de capital ou de solutions de financement par la dette.

Vers une harmonisation avec le non coté ?

Au final, la gouvernance des petites et moyennes capitalisations tend à s’écarter d’une approche parfois cosmétique inspirée des grandes capitalisations pour en revenir à la rigueur et au pragmatisme observés dans le capital-investissement. Il s’agit d’un levier d’attractivité qui a l’avantage de dépendre principalement des émetteurs eux-mêmes, même si les investisseurs institutionnels ont un rôle à jouer.

Le non coté n’a donc pas seulement à apprendre du coté en matière de gouvernance : il lui sert aussi d’exemple, en particulier dans un contexte où la confiance des investisseurs reste fragile sur le segment des petites et moyennes capitalisations.

D’ailleurs, en sens inverse, l’univers des sociétés cotées — y compris des grandes capitalisations — a connu des évolutions témoignant d’une volonté de rééquilibrer les pouvoirs dans le sens des actionnaires, suivant une dynamique propre au non coté institutionnel. Ainsi en est-il notamment des dispositifs de say on pay ou des recommandations de l’AMF en matière de consultation de l’assemblée générale sur les cessions d’actifs significatifs.

C’est vraisemblablement le sens de l’histoire : l’harmonisation entre les marchés publics et privés, en matière de gouvernance et au-delà.

Notre équipe d’une quinzaine d’avocats, menée par 5 associés, offre une expertise de premier plan en Fusions-acquisitions (M&A) et Droit des sociétés (Corporate) et gouvernance d’entreprise.

L’équipe Corporate – M&A accompagne une grande diversité de clients — entreprises cotées ou non cotées, dirigeants, administrateurs, entrepreneurs, fonds d’investissement et autres investisseurs — à toutes les étapes de leur développement : constitution et structuration de sociétés, gouvernance d’entreprise, opérations d’acquisition et de cession, ouverture du capital à des investisseurs, levées de fonds, fusions et restructurations, pactes d’actionnaires, management packages et contentieux entre associés.