Publication du rapport d’activité 2018 de l’Agence Française Anticorruption : quels enseignements tirer des premiers contrôles ?

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04.07.2019

L’année 2018 de l’AFA en quelques chiffres

En 2018, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a procédé à 43 contrôles d’initiative menés auprès de 28 acteurs économiques (dont 11 filiales de groupes étrangers) et 15 acteurs publics ou associatifs, chiffre en forte augmentation par rapport à l’année 20171 qui n’en avait connu que 6.

Au 31 décembre 2018, la commission des sanctions n’avait pas (encore) été saisie et aucune juridiction pénale n’avait encore prononcé de peine complémentaire de programme de mise en conformité (PPMC).

En revanche, 4 contrôles de l’AFA sont intervenus en exécution d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP)2.

Parallèlement à ces contrôles, l’AFA a publié 8 supports pédagogiques afin de définir et préciser ses attentes concernant la mise en conformité des acteurs économiques :

  • Appui aux entreprises
  • Recommandations
  • Cartographie des risques
  • Code de conduite
  • Évaluation des tiers
  • Dispositif d’alerte interne
  • Conflits d’intérêt
  • Paiements de facilitation

Les premiers constats issus des contrôles réalisés auprès des acteurs économiques

Après avoir mené ses premiers contrôles, l’AFA constate :

  • un engagement insuffisant des instances dirigeantes, qui se limite trop souvent à la seule signature du Code de conduite
  • une cartographie des risques inadaptée ou établie à partir d’une méthodologie ne permettant pas de s’assurer que tous les risques ont été identifiés, correctement évalués et hiérarchisés,
  • des systèmes de management des risques (code de conduite, plans de formations, procédures d’évaluation des tiers, contrôles comptables et dispositifs de contrôle interne et d’audit) trop rarement articulés avec la cartographie des risques,
  • des dispositifs anticorruption de filiales françaises de groupes étrangers qui « se résument souvent à quelques mesures purement décalquées du dispositif de la société mère ».

Ces constats s’inscrivent dans la droite ligne des recommandations de l’AFA qui insistent sur l’importance de l’implication des instances dirigeantes dans la mise en conformité et l’effectivité des dispositifs de prévention de la corruption déployés.

Les premiers constats issus de l’enquête sur la prévention des risques de corruption et les contrôles réalisés auprès des acteurs publics

En 2018, l’AFA a lancé une enquête sur la prévention de la corruption dans le service public local en adressant un questionnaire aux acteurs des collectivités territoriales, de leurs établissements et des SEM. Il ressort des 3277 réponses que très peu de collectivités se sont dotées d’un dispositif anticorruption ou de mesures internes pour prévenir les atteintes à la probité.

  • 7,3% ont mis en œuvre un plan ou des mesures spécifiques anti-corruption,
  • 5,9% ont adopté un code de conduite,
  • 1,7% ont réalisé une cartographie des risques,
  • 17% ont évalué leurs tiers,
  • 5,2% seulement ont déployé un dispositif d’audit interne,
  • 18,4% seulement disposent d’un plan de sensibilisation et de formation à la prévention de la corruption.

Pour rappel, l’article 3 de la loi Sapin II concernant les acteurs publics ne prévoit aucune sanction si ces derniers manquent aux exigences de mise en place d’un dispositif anticorruption.

Première audience publique de la commission des sanctions de l’AFA

Une affluence record témoin des attentes des professionnels

Plusieurs centaines de personnes se sont massées devant les portes de l’AFA afin d’assister, le 25 juin 2019, à la première audience publique de la commission des sanctions. Elles sont toutefois reparties déçues, l’AFA n’ayant prévu, en dépit de sa volonté d’offrir un débat transparent, qu’une quarantaine de places. Cette affluence reflète les fortes attentes de clarification des praticiens de la compliance concernant les exigences de l’AFA et la façon dont elle entend contrôler et sanctionner les acteurs économiques.

Les cinq griefs reprochés par l’AFA à la Sonepar

Déjà visée par une information judiciaire en raison de soupçons d’entente sur le marché de la distribution du matériel électrique aux professionnels, la Sonepar a été la première société à être renvoyée devant la commission des sanctions de l’AFA.

5 griefs étaient reprochés à la Sonepar :

  • une cartographie des risques incomplète et ne reflétant pas les risques réels de l’entreprise,
  • un code de conduite ne répondant aux exigences de la loi de décembre 2016,
  • l’absence de procédure d’évaluation des tiers (clients, fournisseurs, intermédiaires …),
  • des procédures de contrôle comptable n’intégrant pas de dispositions permettant de s’assurer que ses livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence,
  • pas de dispositif d’évaluation interne des mesures anticorruption.

C’est donc l’absence d’exhaustivité et de spécificité du dispositif anticorruption que l’AFA a entendu sanctionner. La Sonepar a pourtant réfuté l’ensemble de ces griefs, estimant avoir mis en place un dispositif suffisant de prévention et de détection de la corruption. La Sonepar a surtout reproché à l’AFA de s’être écartée de sa mission pour rechercher activement les indices de commission d’infractions et nourrir l’enquête pénale. Ces débats traduisent la crainte que l’AFA, qui mettait d’ailleurs en avant sa coopération avec le PNF dans son rapport d’activité, use à l’excès de ses prérogatives de contrôle pour renseigner le PNF et justifier le déclenchement d’enquêtes pénales4. Ceci incitera certainement les entreprises à maîtriser leurs droits et devoirs en cas de contrôle de l’AFA.

Une décision attendue à la fin du mois de juillet

A l’issue des débats, le Directeur de l’AFA, Charles Duchaine, a demandé à la commission des sanctions d’enjoindre la Sonepar à se mettre en conformité et de se soumettre à un nouveau contrôle. A défaut d’une mise en conformité effective et concluante, le Directeur de l’AFA a demandé à ce que les sanctions maximales lui soient alors appliquées. La décision, très attendue, devrait être rendue à la fin du mois de juillet.