Subway - Contrat de franchise et déséquilibre significatif

  • Revue de presse
  • Contentieux commercial
20.11.2020

Commentaire de la décision du Tribunal de Commerce de Paris, 13 octobre 2020, RG n°2017005123.

Le contrat de franchise de l’enseigne de restauration SUBWAY partiellement invalidé au titre du déséquilibre significatif

Saisi par le Ministre de l’économie et des finances, le Tribunal de Commerce de Paris a, par jugement du 13 octobre 2020, annulé, totalement ou partiellement, sept clauses du contrat de franchise de l’enseigne Subway sur le fondement du déséquilibre significatif.

Ce jugement, qui fait suite à l’examen par la DGCCRF des pratiques commerciales entre franchisés et franchiseurs dans le secteur de la restauration rapide et à thème, apporte plusieurs enseignements sur les critères d’appréciation du déséquilibre significatif au sein d’un contrat de franchise (I) et fournit une grille de lecture des clauses susceptibles de tomber sous le coup d’une pratique restrictive de concurrence (II).

I. RAPPEL DU CHAMP D’APPLICATION ET DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU DESEQUILIBRE SIGNIFICATIF

Le Tribunal de Commerce de Paris confirme que le dispositif de l’article L. 442-1, I, 2º (ancien art. L. 442-6, I, 2°) du Code de commerce qui sanctionne le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties est applicable aux contrats de franchise dès lors que les deux éléments constitutifs de l’infraction sont caractérisés :

  1. Une soumission ou tentative de soumission

La soumission d’un partenaire commercial à des obligations injustifiées et non réciproques est caractérisée par une absence de négociation effective du contrat, sauf à pouvoir en justifier par la nature du contrat (un contrat d’adhésion), son économie générale ou l’existence de dispositions rééquilibrant les clauses dénoncées. fourniture Au cas d’un contrat de franchise, le Tribunal estime que la des documents d’information précontractuelle, l’assistance d’un conseil et la faculté du candidat de poser des questions sont insuffisantes à caractériser une négociation effective, laquelle suppose des concessions réciproques entre les parties. Et le Tribunal d’ajouter, en réponse à l’objection du franchiseur, que la nécessité de préserver l’homogénéité, la cohérence et l’identité commune du réseau est elle-même insuffisante à justifier la signature, par tous les franchisés, d’un contrat identique.

  1. Des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

Le Tribunal définit trois critères cumulatifs susceptibles de caractériser le déséquilibre significatif d’une clause contractuelle : (i) Elle est stipulée en faveur du franchiseur. (ii) Elle n’apporte au franchisé aucune contrepartie, ni par elle-même ni provenant d’une autre clause ou induite de la nécessaire homogénéité du réseau. (iii) Elle n’est pas rééquilibrée par l’économie globale du contrat.

II. APPRECIATION DE L’EQUILIBRE DES CLAUSES DU CONTRAT DE FRANCHISE

Le Tribunal se livre ensuite à une appréciation in concreto des clauses litigieuses et en valide certaines :

  • Celles relatives au non-remboursement du droit d’entrée et du coût de la formation initiale pour des motifs que le Tribunal juge légitimes (défaut du franchisé, exclusion de la formation, échec à l’examen de fin de formation, non-respect du code de conduite pendant la formation).
  • Celles relatives aux modalités de paiement hebdomadaire des redevances et à l’application de pénalités dès le premier jour de retard, au motif, quelque peu singulier, qu’elles constituent une aide « inconfortable mais utile » à la gestion des franchisés leur évitant de « boire le fonds de commerce ».
  • Celle prévoyant la consultation à distance des documents comptables des franchisés par le franchiseur, au motif qu’elle permet d’assurer une gestion efficace du réseau et facilite l’exercice du devoir d’assistance du franchiseur.
  • Celle relative à la responsabilité du franchisé, au motif qu’elle ne fait que rappeler que ce dernier est un entrepreneur indépendant et, à ce titre, responsable de son exploitation et de la réussite de son projet (cette appréciation est conforme à la pratique des Tribunaux, néanmoins enclins à sanctionner la fourniture, par le franchiseur, de chiffres prévisionnels exagérément optimistes).

En revanche, les jugeant déséquilibrées, le Tribunal invalide les clauses suivantes :

  • Celle relative aux horaires d’ouverture des points de vente imposant aux franchisés d’ouvrir « 7 jours par semaine, pour un minimum de 98 heures par semaine », aux motifs qu’elle ne prend pas en compte les spécificités propres à la localisation de chaque point de vente, n’apporte aucune contrepartie au franchisé et n’est pas indispensable à la cohérence ou à l’homogénéité du réseau.
  • Celle relative à l’obligation d’assurance par laquelle le franchisé s’engage à souscrire une assurance responsabilité civile assortie d’une garantie minimum d’un montant important (1.700.000 dollars US), sauf à ce que le franchisé doive rembourser au franchiseur l’ensemble des frais que ce dernier pourrait encourir, l’absence de plafond conférant à la clause un caractère potestatif qui crée un déséquilibre significatif au détriment du franchisé.
  • Celles stipulant une absence d’exclusivité territoriale et un droit illimité du franchiseur de faire concurrence au franchisé, dont la combinaison crée un déséquilibre excessif en permettant au franchiseur d’organiser « la cannibalisation entre deux emplacements », sans que le franchisé bénéficie d’un droit de préemption du nouvel emplacement ou de la possibilité de résilier le contrat.
  • Celle relative à la durée du contrat (20 ans), au motif qu’elle excède la durée de l’exclusivité d’approvisionnement qui incombe au franchisé, limitée à 10 ans, conformément aux dispositions de l’article L. 330-1 du Code de commerce.
  • Celle instaurant une clause pénale d’un montant forfaitaire de 175 € par jour destinée à sanctionner le franchisé qui n’aurait pas déposé l’ensemble des marques et éléments distinctifs du franchiseur « dans un délai raisonnable » à compter de la terminaison du contrat, au motif que cet engagement est difficile, « voire impossible », à mettre en œuvre par le franchisé et revêt donc un caractère potestatif au seul bénéfice du
  • Celles portant sur certains motifs de résiliation du contrat (incidents de paiement, répétition d’un même manquement), dont le Tribunal juge qu’ils sont insuffisants et laissent une trop grande latitude au franchiseur, contrairement à d’autres motifs (faute grave ou impossibilité de poursuivre le contrat de franchise).
  • Celles stipulant la prévalence de la version anglaise du contrat, la référence à un droit étranger et le recours à une procédure d’arbitrage tenue à l’étranger, ces engagements étant licites en soi mais leur accumulation faisant peser sur le franchisé des contraintes excessives.

Dès lors, le Tribunal retient que le concours de plusieurs clauses significativement déséquilibrées et l’absence d’autres clauses ayant pour objet ou pour effet de rééquilibrer les droits et obligations des parties, rendent le contrat déséquilibré dans sa totalité.

La société Subway a indiqué qu’elle envisageait de faire appel de ce jugement que le Tribunal n’a pas souhaité revêtir de l’exécution provisoire.