Le contrôle de l’AFA et les trois manquements reprochés à la société Imerys
Le 22 janvier 2020, la commission des sanctions de l’AFA s’est réunie afin d’examiner les manquements relevés à l’encontre de la société Imerys et de son dirigeant à l’époque du contrôle, Monsieur Conrad Keijzer. Les engagements concrets d’Imerys pour améliorer son dispositif auraient été pris en compte par l’AFA, à l’issue du contrôle, faisant ainsi passer le nombre des manquements reprochés de 7 dans le rapport de contrôle à 3 dans la notification des griefs du 25 septembre 2019. C’est l’absence de présentation de plans d’actions ou d’engagements concrets sur les trois piliers suivants qui aurait justifié, selon l’AFA, la saisine de la commission des sanctions pour les 3 manquements suivants :
- une cartographie des risques incomplète et ne reflétant pas les risques réels de l’entreprise,
- l’absence de Code de conduite dédié à la lutte contre la corruption et comportant des illustrations des comportements prohibés,
- des procédures de contrôle comptable n’intégrant pas de dispositions permettant de s’assurer que ses livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption.
Les questions de procédure soulevées par les conseils d’Imerys
Les conseils d’Imerys ont soulevé plusieurs questions de procédure, parmi lesquelles :
- L’imprécision de la notification des griefs, laquelle ne permettrait pas de comprendre la teneur exacte des manquements,
- La violation des droits de la défense et du principe de légalité, les griefs de l’AFA n’ayant pas pour fondement la Loi ou ses recommandations publiées au JO mais uniquement sa vision et sa pratique de la conformité.
- Le défaut de légalité de la saisine de la commission des sanctions, le Directeur de l’AFA ne pouvant saisir la commission des sanctions d’une demande d’injonction de mise en conformité et d’une sanction pécuniaire (1M€ pour Imerys et 100 K€ pour M. Keijzer) mais exécutoire uniquement si l’injonction n’était pas respectée.
A cet égard, on regrette que la responsabilité personnelle de Monsieur Conrad Keijzer, dirigeant lors du contrôle puis remplacé par Monsieur Patrick Kron, lequel quittera ses fonctions à compter du 14 février 2020, n’ait pas davantage été abordée. En effet, comment faire dépendre une sanction personnelle contre Monsieur Conrad Keijzer des suites qu’Imerys donnera à une injonction qui lui serait faite ? Par ailleurs, le nouveau dirigeant, s’il ne satisfait pas à l’éventuelle injonction, pourrait-il engager sa propre responsabilité ? Espérons que cette question sera abordée dans la décision afin d’éclairer les praticiens et les chefs d’entreprise.
Les enseignements à tirer des débats techniques ayant opposé les services internes d’Imerys aux contrôleurs de l’AFA
Sur la cartographie des risques, l’AFA a relevé :
- Une absence d’analyse fine des processus de l’entreprise pour réaliser l’identification et l’évaluation des risques,
- Un périmètre trop restreint et insuffisamment homogène des professionnels mobilisés (différents niveaux hiérarchiques impliqués en fonction des zones géographiques),
- Une évaluation des risques par macro zones, puis moyennée au niveau du groupe avant d’être réévaluée à l’aune du classement des risques de corruption de Transparency International,
Des plans d’actions associés à la cartographie des risques uniquement par macro-actions, ne donnant pas l’assurance que les actions vont pouvoir couvrir les risques. S’agissant du Code de conduite, le grief portait sur l’absence d’illustration des comportements à proscrire en fonction des risques identifiés dans la cartographie. L’AFA a relevé l’absence d’interdépendance entre les différents documents évoquant l’anti-corruption qu’Imerys avait diffusé en interne et l’absence de code de conduite anticorruption spécifique au jour de l’audience. Enfin, s’agissant des contrôles comptables, Imerys a reconnu ne pas disposer de contrôles comptables dédiés à la lutte contre la corruption. 2 L’AFA a indiqué que l’environnement de contrôle existant au sein d’Imerys était de nature à contribuer à une maitrise des risques. Pour autant, elle a souligné qu’il n’y avait pas de contrôles comptables identifiés comme étant de nature à lutter contre les risques de corruption au sein d’Imerys ce qui, selon l’AFA, ne satisferait pas aux exigences de la Loi. Imerys et ses conseils ont indiqué disposer d’un plan d’actions précis dont la mise en œuvre, hiérarchisée en fonction des risques, aurait commencé mais dont le déploiement serait effectif en avril 2021. La commission des sanctions devrait rendre sa deuxième décision courant février 2020.
La publication du Guide pratique AFA des vérifications anti-corruption à réaliser dans le cadre des fusions-acquisitions
Après plusieurs mois de consultation et de très nombreuses remontées des professionnels, c’est une version profondément remaniée du projet initial de guide pratique qui a été publiée.
L’AFA recommande vivement aux acquéreurs d’intégrer dans leurs due diligences des vérifications concernant l’anticorruption consistant notamment à évaluer :
l’implication éventuelle de la société cible dans une affaire de corruption et en mesurer les risques associés,
la maturité de son dispositif anti-corruption et les insuffisances qu’il conviendra de pallier postérieurement à l’acquisition.
De telles vérifications pourront avoir des implications sur :
- l’évaluation économique de la cible, la décision ou non d’acquérir,
- les conséquences de son intégration dans le groupe de l’acquéreur,
- les protections à mettre en œuvre par l’acquéreur dans la documentation d’acquisition.
L’AFA y rappelle enfin l’état du droit positif en distinguant, selon le type d’opérations (fusion ou acquisition de titres) les principales conséquences pour l’acquéreur, en termes de transfert de responsabilités (administrative, civile et pénale) résultant de faits de corruption ou de manquements à la loi Sapin II par la cible.
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