Adoption par l’Assemblée Nationale de la Proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.
Depuis la loi Egalim du 30 octobre 2018 (Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine durable et accessible à tous), la priorité du législateur n’est plus de préserver le pouvoir d’achat des Français mais désormais de rééquilibrer les relations commerciales au profit des agriculteurs.
C’est dans ce cadre que le 24 juin dernier, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture la proposition de loi visant à « Protéger la rémunération des agriculteurs » dénommée « Egalim 2 », qui fera l’objet d’un examen au Sénat au cours du mois de septembre.
Cette proposition de loi a pour objectif de rééquilibrer les relations commerciales entre les différents maillons de la chaine alimentaire et agro-alimentaire et d’assurer une meilleure rémunération des agriculteurs, notamment en sanctuarisant le prix d’achat des matières premières agricoles.
La proposition de loi apporte des changements importants qu’il convient de prendre en compte dès à présent puisque, sauf s’il existe un recours constitutionnel, ses dispositions, au moins pour partie, seraient susceptibles de s’appliquer aux négociations commerciales 2022 (infra).
I – PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA LOI
Contractualisation obligatoire et pluriannuelle pour tous les produits agricoles livrés sur le territoire français
L’article 1er de la loi pose le principe de la conclusion obligatoire d’un contrat de vente entre le producteur et le premier acheteur d’une durée minimale de 3 ans, pour tout produit agricole livré en France.
Le contenu du contrat est précisé et renforcé :
- Le contrat doit impérativement inclure une clause de révision automatique des prix, à la hausse ou à la baisse, selon une formule librement déterminée par les parties ;
- Les indicateurs de prix devront être inclus dans les formules de détermination du prix mais également dans les mécanismes de révision des prix ;
- Les clauses d’alignement automatique du prix sur un prix plus bas dont bénéficierait un concurrent sont désormais interdites.
Transparence et sanctuarisation du prix d’achat des matières premières agricoles
Pour tous les « produits alimentaires » (notion non définie), la négociation commerciale ne pourra plus porter sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix d’achat des matières premières agricoles.
A cet effet, les CGV du fournisseur devront présenter pour chaque matière première agricole et pour chaque produit transformé composé à plus de 50% de matières premières agricoles, la part de matière première agricole dans la composition du produit alimentaire, sous la forme (i) d’un pourcentage du volume du produit et (ii) d’un pourcentage du tarif du fournisseur.
Cette règle ne s’applique qu’aux matières premières agricoles et aux produits transformés qui représentent plus de 25% en volume du produit alimentaire.
En revanche, elle ne s’applique ni aux grossistes ni à des catégories de produits qui seront définies par décret.
Dans l’hypothèse où le fournisseur ne souhaite pas fournir ces informations (notamment pour des raisons de secret des affaires ou de protection de sa recette), le fournisseur pourra soit indiquer la part agrégée des matières premières agricoles sous la forme d’un pourcentage du volume du produit et du tarif du fournisseur, soit ne rien mentionner du tout.
Dans ces deux hypothèses, un tiers indépendant (CAC ou expert-comptable) devra être mandaté par le fournisseur pour vérifier, soit l’exactitude des données agrégées, soit que la négociation commerciale n’a pas porté sur les matières premières agricoles.
En tout état de cause, la convention unique ne pourra pas être conclue sans l’attestation émise par le tiers indépendant. Ce sont donc des délais et des contraintes administratives supplémentaires à intégrer dans les négociations commerciales. Tout manquement à ces dispositions sera sanctionné, pour une personne morale, par une amende administrative de 375 000 euros.
Le calendrier de négociation est raccourci puisque les CGV relatives à des produits alimentaires pourront être adressées jusqu’au 1er janvier (contre 1er décembre antérieurement) et le distributeur ne disposera que d’un mois pour motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, tout refus ou clause qu’il souhaite soumettre à la négociation.
Enfin, la loi rétablit l’interdiction de différencier entre enseignes le prix des produits transformés composés de plus de 50% de matière première agricole, sans contreparties réelles, proportionnées et justifiées.
Ligne à ligne / rémunéra-score / origine des produits
- La convention unique devra détailler le prix de chaque contrepartie, ligne par ligne, afin d’éviter les « remises globales » ;
- Un rémunéra-score (sur le modèle visuel du nutri-score) sera expérimenté pendant 5 ans pour informer le consommateur de la juste rémunération des producteurs de produits agricoles par le transformateur ;
- L’indication du pays d’origine sera obligatoire pour tous les produits agricoles et alimentaires pour lesquels il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine.
II – CALENDRIER ET INTERROGATIONS
Même si le gouvernement souhaite accélérer la procédure afin que l’ensemble de la loi soit applicable aux négociations commerciales 2022, un consensus se dégagerait pour privilégier une entrée en vigueur en deux temps, au 1er janvier 2022, pour les dispositions en dehors du champ de la négociation commerciale et au 1er janvier 2023, pour les autres.
En outre, de nombreuses zones d’imprécision demeurent, notamment l’application de la contractualisation obligatoire aux producteurs étrangers qui livreraient des produits en France, la définition des produits alimentaires, les modalités et la charge financière du recours au tiers indépendant, le champ d’application du principe de non-discrimination, etc.
Gageons que l’examen du texte par le Sénat à partir du 20 septembre prochain permettra de clarifier ces incertitudes.
Vos interlocuteurs
Antoine Dérot, Associé
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E : derot@rmt.fr