Pour répondre à l’urgence écologique et climatique, la France s’est fixée des objectifs ambitieux : réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Les personnes publiques, pleinement associées à cet effort, doivent ainsi établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Dans cette perspective, le droit de la commande publique a fait l’objet de nombreuses réformes.
Alors que les acheteurs publics sont désormais tenus à de nombreuses obligations environnementales pour la satisfaction de leurs besoins (I), l’attribution des contrats de la commande publique aux opérateurs économiques limitant leur impact environnemental est encouragée (II).
1. Les acheteurs publics sont tenus à de nombreuses obligations environnementales pour la satisfaction de leurs besoins
Un nombre croissant de dispositions encadrent le comportement des personnes publiques afin de limiter l’impact de leurs achats sur l’environnement. Ces dispositions, sectorielles, par catégories d’achats effectués – véhicules, produits numériques, produits alimentaires, matériaux de construction – modifient la nature des besoins des acheteurs publics, lesquels sont désormais tenus de se conformer à de nombreuses obligations environnementales pour la satisfaction de leurs besoins.
A titre d’illustration, depuis le 1er janvier 2021, une partie des biens acquis annuellement par l’Etat, ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements doit intégrer des matières recyclées, ou être issue du réemploi ou de la réutilisation. Cette proportion varie de 20 à 100 % selon le type de produit[1]. Les produits concernés et les taux associés sont fixés par décret[2].
Les personnes publiques doivent également augmenter progressivement la quantité de véhicules à faibles émissions et à très faibles émissions[3] parmi les véhicules légers acquis ou pris en location chaque année pour renouveler ou compléter leur parc[4].
De même, les achats alimentaires sont tournés vers des produits davantage respectueux de l’environnement et de la santé des consommateurs. Depuis le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs publics doivent comprendre au minimum 50 % de produits labélisés dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique[5].
Sur les chantiers de construction routiers, la loi impose une proportion significative de matériaux issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage de déchets[6]. L’utilisation des matériaux biosourcés et bas carbone est encouragées et deviendra obligatoire à partir du 1er janvier 2030 dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique[7].
L’impact des achats numériques sur l’environnement doit faire l’objet d’une attention accrue de la part des acheteurs publics. Depuis le 1er janvier 2023, l’indice de réparabilité[8], lorsqu’il est disponible, doit être pris en compte pour l’acquisition des produits numériques. Dès le 1er janvier 2026, l’indice de durabilité devra également être pris en compte. Quant aux logiciels acquis, ils doivent de préférence être conçus de manière à limiter la consommation énergétique associée à leur utilisation[9].
Enfin, plus généralement, l’adoption d’un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) est désormais obligatoire pour les acheteurs réalisant des achats de plus de 50 millions d’euros HT par an[10]. Publié tous les deux ans, le SPASER doit décrire les objectifs poursuivis dans le domaine des achats responsables, ainsi que leurs modalités de mise en œuvre et de suivi[11].
2. L’attribution des contrats de la commande publique aux opérateurs économiques limitant leur impact environnemental est encouragée
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite loi « Climat et résilience » ainsi que loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte ont modifié plusieurs dispositions du code de la commande publique afin de favoriser les opérateurs économiques vertueux d’un point de vue environnemental.
L’article L. 2152-7 du code de la commande publique, modifié, élargit les critères sur lesquels peuvent se fonder les acheteurs publics afin d’attribuer un marché public.
Si le critère du prix demeure déterminant pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, d’autres critères comprenant notamment des aspects environnementaux peuvent également être pris en compte.
A compter du 22 août 2026, les caractéristiques environnementales de l’offre devront obligatoirement être prises en compte par les acheteurs pour l’attribution de leurs marchés publics[12].
L’attribution des contrats de concession obéit à la même logique alors que les autorités concédantes sont invitées à tenir compte des critères environnementaux pour sélectionner la meilleure offre au regard de l’avantage économique global[13].
Le code de la commande publique est, en outre, enrichi de dispositifs d’exclusion supplémentaires permettant de sanctionner les opérateurs économiques peu respectueux de leurs obligations environnementales.
A titre d’illustrations, l’article L. 2141-7-1 du code de la commande publique permet d’exclure les opérateurs économiques qui n’ont pas satisfait à l’établissement d’un plan de vigilance, mentionné à l’article L. 225-102-4 du code de commerce, censé identifier les risques que fait peser l’activité de l’opérateur économique sur le plan environnemental.
De même, l’article L. 2141-7-2 de ce code donne aux acheteurs la possibilité d’exclure des procédures de passation ceux des opérateurs n’ayant pas satisfait à l’établissement d’un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, prévu à l’article L. 229-25 du code de l’environnement, pour l’année qui précède l’année de publication de l’avis d’appel à la concurrence ou d’engagement de la consultation.
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L’achat public, qui représente près de 200 milliards d’euros, soit près de 10% du PIB[14], constitue un des réceptacles majeurs des politiques publiques visant à orienter l’offre et la demande vers une économie plus durable.
La multiplication croissante des dispositions sectorielles pourrait toutefois complexifier la stratégie d’achat des acheteurs publics, lesquels auront intérêt à être formés et accompagnés pour ne pas méconnaître leurs nombreuses obligations environnementales.
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[1] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 de lutte contre le gaspillage et pour une économie circulaire (dite loi AGEC), art. 58.
[2] Décret n°2024-13 du 21 février 2024 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et à l’interdiction d’acquisition par l’Etat de produits en plastique à usage unique.
[3] Dont les critères relatifs à cette qualification sont définis par le décret n° 2021-1494 du 17 novembre 2021
[4] Art. L.224-7 et L.224-8 du code de l’environnement.
[5] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGAlim), art. 24.
[6] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, art. 79 : au moins 60 % en masse de l’ensemble des matériaux utilisés pendant l’année.
[7] Art. L. 228-4 du code de l’environnement.
[8] Art. L.541-9-2 du code de l’environnement.
[9] Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (dite loi REEN), art. 15.
[10] Montant fixé par le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique.
[11] Art. L.2111-3 du code de la commande publique.
[12] Conformément à l’article 35, II, 6e de la loi Climat et résilience
[13] L. 3124-5 du code de la commande publique
[14] Charte pour l’achat public durable, Ministère de la transition écologique
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