En 1983, une refonte législative axée sur l’intérêt des victimes a débloqué la potentialité d’impliquer les assureurs dans les procès pénaux. Cela a donné naissance aux articles 388-1 et suivants du code de procédure pénale (388-1 du cpp). Bien que cette participation, qu’elle soit volontaire ou contrainte, ait représenté un avancement manifeste favorisant une indemnisation plus efficace des parties lésées, elle reste étroitement réglementée, parfois complexe et, pour certains, considérée comme insuffisamment satisfaisante.

Agathe Moreau, associée en charge du département Risques Professionnels & Industriels revient sur les cas où l’assureur intervient dans un procès pénal.

Introduction de l’article paru dans la Gazette du Palais le 26 juin 2018

Les parties au procès pénal ont toujours été strictement entendues par le Code de procédure pénale et limitées au prévenu, à la partie civile et au ministère public. La possibilité pour le juge répressif de statuer sur les intérêts civils n’a été que progressive et limitée. En effet, même si l’infraction et le dommage subi par la partie civile découlent d’un seul et même fait, le juge répressif ne pouvait à l’origine statuer sur les intérêts civils après avoir prononcé une relaxe.

Le développement de l’assurance au cours du XXe siècle a cependant fait des assureurs des acteurs indissociables de l’action en indemnisation, de sorte que la question de leur présence au procès pénal s’est rapidement posée. Elle pouvait pourtant paraître antinomique, le procès pénal étant considéré comme la défense de l’intérêt général, là où l’action indemnitaire, a fortiori impliquant un assureur, concerne des intérêts privés, patrimoniaux, bien étrangers à la défense de l’intérêt général.

C’est l’une des raisons qui explique que la Cour de cassation ait farouchement résisté à la possibilité de voir ou faire intervenir les assureurs devant le juge pénal, si ce n’était en qualité d’auteur présumé de l’infraction poursuivie ou de partie civile, victime directe d’une infraction. Les principes selon lesquels le juge de répression ne peut connaître de l’action civile que de manière accessoire et qu’autant qu’il est saisi de l’action publique, et que seul un préjudice direct et personnel peut fonder la demande d’une partie civile , étaient donc strictement appliqués par les juges. La dette de l’assureur était considérée, non pas comme la conséquence directe de l’infraction, mais comme une obligation contractuelle née de la souscription d’une police d’assurance ; or le juge du contrat d’assurance ne pouvait par nature qu’être la juridiction civile. Le mécanisme de la subrogation légale au profit de l’assureur qui a indemnisé la victime, même constituée partie civile, n’y changeait rien.

Il en résultait une multiplication des contentieux au préjudice des victimes et des assureurs subrogés dans leurs droits, puisqu’ils devaient, à l’issue du contentieux pénal, assigner en indemnisation l’assureur de l’auteur de l’infraction devant le juge civil, et ce, alors même que la décision pénale statuant sur le fait générateur des dommages n’était pas opposable à cet assureur. La situation des victimes s’en trouvait lésée, notamment en retardant leur indemnisation. Cette situation paraissait d’autant plus inéquitable qu’un droit d’intervention avait été accordé de longue date au Fonds de garantie. Le législateur a remédié à cette situation en consacrant, par la loi n° 83-608 du 8 juillet 1983 « renforçant la protection des victimes d’infraction », la possibilité pour les assureurs d’accéder aux juridictions répressives, sur intervention volontaire ou forcée. Ces éléments figurent aujourd’hui dans le code de procédure pénale, aux articles 388 et suivants (art. 388 du CPP) Comme le titre de la loi l’exprime, cette réforme a été strictement pensée dans l’intérêt des victimes, et non dans celui des assureurs.

Cet objectif explique que cette intervention reste limitée, tant s’agissant des possibilités et conditions de cette intervention (I), de ses effets (II) et des moyens de défense susceptibles d’être invoqués par les assureurs (III).